Quand vos ados vous conseillent une série ou, mieux, vous proposent de la regarder avec eux, il faut les écouter. Qui sait, c’est peut-être l’occasion de découvrir un chef-d’œuvre. Cette leçon, on la connaît depuis la sortie de la première saison d’Arcane, bijou d’animation issu d’un studio français, Fortiche, diffusée en 2021 sur Netflix. La seconde et ultime saison, désormais disponible sur la plateforme, se révèle du même niveau, soit l’une des plus réjouissantes séries dramatiques des trois dernières années.
Hélas, à moins qu’ils aient un « jeune » sous la main ou qu’ils soient amateurs de jeux en ligne, les plus de 45 ans sont largement passés à côté. Ce n’est pas faute de succès public et critique. La saison 1 s’est classée dans le top des séries les plus visionnées de la plateforme dans 83 pays, et a reçu quatre Emmy Awards, l’équivalent des Oscars pour la télé. La presse geek s’est répandue en superlatifs, louant sa beauté, son animation survoltée, ses intrigues familiales à faire pâlir Game of Thrones, les succès de ses musiques, son important budget (250 millions de dollars pour les deux saisons, production et marketing compris) qui en fait la série d’animation la plus chère de l’histoire.
A de nombreux points de vue, Arcane est une claque. Tout en conservant une ligne steampunk, les graphismes piochent dans tous les genres. L’aquarelle succède au psychédélique, le fusain se glisse entre deux séquences au look manga, le graff et les comics ne sont jamais loin. Le milieu de la seconde saison renvoie au Métal hurlant de la fin des années 1970 et à la SF d’Enki Bilal. Souvent, ça va vite, à la manière d’un clip de K-pop, et parfois le temps s’étire. On songe beaucoup à Tarantino.
Entre Art déco et Art nouveau
Aux manettes, le studio Fortiche montre (parfois avec un poil de complaisance) comment il a digéré la culture pop mondiale des cinquante dernières années pour en livrer une synthèse moderne, foutraque et diablement électrisante. Et surtout, « qu’est-ce que c’est beau », se prend-on à s’exclamer à plusieurs reprises. On admire le style Art déco de la ville de Piltover, le style Art nouveau de celle de Zaun, on médite sur l’ordre de l’une, le chaos de l’autre, ce qu’il y a de meilleur et de pire dans ces deux villes sœurs et ennemies.
Alors pourquoi cette série est-elle restée cantonnée aux jeunes adultes, laissant les aînés sur le côté de la route ? Parce qu’il s’agit d’un « dessin animé », sans doute, renvoyant à un public amateur de Pixar et Disney. Arcane n’est pourtant pas pour les enfants. Si les personnages sont jeunes, ce qu’ils traversent n’a rien de sucré. Deuil, renoncement, trahison, folie, souffrance, révolte, la série interdite aux moins de 16 ans explore des thèmes shakespeariens classiques. Reconnaissons que la violence omniprésente (et parfois difficilement soutenable) a aussi de quoi rebuter.
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