Le Rassemblement national (RN) n’a pas attendu l’installation du gouvernement pour le juger indigeste. « Vous reprendrez bien un peu de ce plat avarié ? » a cinglé, le jeudi 19 septembre sur le réseau social X, le président délégué du groupe à l’Assemblée nationale, Sébastien Chenu, quand s’esquissait le casting mêlant Les Républicains (LR) et des représentants de l’ancienne majorité macroniste.
« Un gouvernement sans avenir », a confirmé Jordan Bardella deux jours plus tard, au moment des nominations. Avec ses 126 députés, Marine Le Pen pourrait d’office renvoyer ce menu si peu à son goût. Mais la triple candidate malheureuse à la présidentielle compte profiter de ce pouvoir inédit pour accroître la pression sur un gouvernement qui ne devra son sursis qu’aux concessions faites à l’extrême droite.
Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, le 5 septembre, le RN s’est gardé de fixer trop précisément ses « lignes rouges ». L’ancien commissaire européen sait qu’après avoir évité des personnes jugées « irrespectueuses » par le mouvement de Jordan Bardella (Xavier Bertrand, Eric Dupond-Moretti, Gérald Darmanin), il devra donner des gages sur l’absence de hausses d’impôt et sur la lutte contre l’immigration et l’insécurité pour éviter la censure. Charge à lui de deviner les mesures susceptibles de satisfaire – pour un temps – l’ex-Front national.
Pions idéologiques
Plusieurs cadres du parti parient que le premier ministre ne survivra pas à l’examen du budget 2025, auquel ils promettent « 49.3 » puis censure dans un Hémicycle paralysé par la « tripolarisation » issue des dernières législatives des 30 juin et 7 juillet. Mais les frontistes comptent sur chaque échéance, dès la déclaration de politique générale (attendue le 1er octobre), pour pousser leurs pions idéologiques.
Baisse de la TVA sur l’énergie, réforme de l’aide médicale d’Etat, hausse du budget consacré à l’expulsion des étrangers illégaux, suppression des autorités indépendantes : le RN se plaît à distiller en privé les engagements qui pourraient entraîner son indulgence. Sans aucune garantie ni limite.
Marine Le Pen sauvera le gouvernement temps qu’elle le jugera utile pour légitimer son programme et alimenter le récit de son influence croissante. « On va essayer d’en tirer un maximum sur les questions d’immigration et de sécurité : plus [Michel Barnier] donnera des gages, plus on le laissera durer, résume Matthias Renault, député (RN) de la Somme. On veut capitaliser un maximum sur ses déclarations, le forcer à légitimer notre discours. »
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