Alors que la trêve hivernale touche à sa fin, les chiffres des expulsions locatives apparaissent en hausse de 87% sur un an.
La hausse est aussi notable concernant les procédures juridiques pour impayés de loyers.
En cause notamment : un rattrapage des années Covid.
Ces chiffres, publiés à quelques jours seulement de la fin de la trêve hivernale, le 31 mars, et de la reprise des expulsions, témoignent d’une tendance inquiétante. Signe de l’aggravation de la crise du logement en France, les commissaires de justice ont constaté en 2024 une explosion des expulsions de locataires, en hausse de 87% sur un an, et des procédures juridiques pour impayés de loyers toujours plus nombreuses.
L’année dernière, 24.000 procès-verbaux d’expulsion de ménages ont été délivrés, contre 12.825 en 2023, selon des chiffres présentés jeudi 20 mars par la Chambre nationale des commissaires de justice. Cette hausse s’explique par « une purge des dossiers bloqués par le Covid » selon Régis Granier, vice-président de la Chambre nationale des commissaires de justice, à laquelle s’ajoute une « problématique de pouvoir d’achat et de crise du logement », selon Benoît Santoire, président de la chambre. « Il y a un rattrapage des années Covid, mais aussi une dégradation de la situation des impayés, liée à la fois à une fragilisation des ménages au moment du Covid et surtout à l’inflation des années 2021, 2022, 2023 et des grandes difficultés à payer toutes les factures », retrace Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre).
Selon la Cour des comptes, il y a eu 19.023 expulsions en présence des forces de l’ordre en France en 2023, soit 17% de plus que l’année précédente, un chiffre différent de celui pris en compte par les commissaires de justice. Cette fermeté accrue s’explique par « les consignes données aux préfets d’être plus ferme et l’absence de tolérance des impayés », selon Manuel Domergue, qui s’inquiète que la moitié des ménages expulsés se retrouvent hébergés à l’hôtel alors que ces hébergements sont saturés. Les commissaires de justice estiment que 10% à 15% des ménages expulsés sont relogés, mais précisent qu’il n’existe pas de chiffres officiels consolidés.
Les commissaires de justice alertent par ailleurs concernant les abandons de logements – le locataire est parti sans donner congé et parfois sans rendre les clefs – dont le nombre de constats officiels a augmenté de 8% en 2024, à 5.350.
« Une augmentation à toutes les étapes »
Plus en détails, en 2024, 171.000 commandements de payer ont été signifiés à des locataires, en hausse de 11% sur un an, ce qui est le premier acte après l’ouverture d’une procédure juridique pour impayé de loyer par un propriétaire. Et les décisions de justice qui résilient un bail et ordonnent l’expulsion du locataire, « commandement de quitter les lieux », ont progressé de 9,3% sur un an, à 81.000. « Il y a une augmentation à toutes les étapes » des procédures d’impayés de loyer, souligne Manuel Domergue, ce qui est pour lui « encore plus inquiétant », car cela va « alimenter les expulsions de 2025 et 2026 ».
Autres signes de ces difficultés croissantes à joindre les deux bouts, une hausse du nombre d’impayés de charges de copropriété, qui concerne un million de propriétaires et 800.000 copropriétés en difficulté de trésorerie. Début mars, le Médiateur national de l’énergie a pour sa part indiqué avoir constaté une quatrième hausse annuelle consécutive du nombre d’interventions pour des impayés de factures d’électricité et de gaz, en 2024 : 1,2 million d’interventions, soit 24% de plus qu’en 2023.