FRANCE 5 – VENDREDI 31 JANVIER À 21 H 05 – FILM
La vie est belle, donc. Ou plutôt, comme Roberto Benigni nous en intime l’ordre, il faut que la vie soit belle. Cette injonction est très sommaire, mais l’idée du rayon de soleil masqué par la fange plaît toujours.
Le réalisateur italien appartient à ces militants forcenés de l’espoir, à ces dogmatiques de l’optimisme, fanatiques du bien-être, drogués du bonheur, dont le seul sourire tient lieu de philosophie. Pour lui, « la vie est belle » a un sens absolu qu’il convient de mettre à l’épreuve dans la plus extrême des situations : un camp de la mort.
Roberto Benigni se place explicitement dans la continuité de Frank Capra et de son film homonyme (en français), dans lequel James Stewart regardait, en compagnie d’un ange gardien, ce qu’il serait advenu de sa petite ville de Bedford Falls s’il n’avait pas existé. Le message ambigu du film de Capra pouvait se résumer en une curieuse formule : « Ne désespérez pas, les choses pourraient être pires encore. » Curieuse parce que, dans ce combat entre le bien et le mal, le mal avait toujours l’avantage sur le bien.
Benigni n’a de cesse d’actualiser ce message, d’en repousser les limites, de le déformer, jusqu’à le reformuler en un étrange : « Les choses sont toujours plus belles qu’elles ne paraissent. »
Instruments d’une démonstration
En 1939, en pleine Italie fasciste, Guido, serveur de restaurant qui rêve d’ouvrir une librairie, interprété par Benigni lui-même, a donc choisi de ne jamais désespérer. A Giosué, son fils (Giorgio Cantarini), qui s’étonne de trouver devant une pâtisserie la mention « Entrée interdite aux juifs et aux chiens », il explique que, dans une quincaillerie, ce sont les Espagnols et les chevaux qui ne peuvent pas entrer, alors que dans une pharmacie, ce sont les Chinois et les kangourous…
Déporté avec son fils et sa femme, Dora (Nicoletta Braschi), Guido décide de se lancer dans un curieux manège où il s’agit de dissimuler à Giosué les horreurs du camp en lui faisant croire que tous les membres, soldats comme déportés, sont les participants d’un jeu dont le grand prix est un char d’assaut.
Pourquoi l’humoriste qui s’inscrivait auparavant, avec Le Monstre, dans la tradition classique du burlesque italien s’est-il mis en tête d’étendre le champ de sa comédie à celui d’un camp de concentration ? Parce que le camp de la mort représente le nadir de la condition humaine, et du coup un champ d’expérimentation idéal pour le cinéaste Benigni. Auschwitz, Buchenwald ou Treblinka n’existent que comme simples instruments d’une démonstration.
La vie est belle, une voix off le précise dès le début du film, est un conte. Comme tout conte, il importe de le dissocier soigneusement du réel, et de ne pas lui intenter le procès auquel il n’aurait pas échappé en cas de confusion générique.
La vie est belle, de Roberto Benigni. Avec Roberto Benigni, Nicoletta Braschi, Giorgio Cantarini (It., 1997, 116 min).