Un grand économiste m’a un jour expliqué que dans les débats sur la politique macroéconomique il y avait toujours une variable motrice et contraignante qui déterminait toutes les autres, les variables d’ajustement. « Par conséquent, ajoutait-il, il suffit de désigner une autre variable comme contraignante pour inverser complètement les recommandations de politique économique. »
C’est précisément ce que fait Stephen Miran dans un article sur le commerce international publié en novembre 2024, juste avant sa nomination à la présidence du conseil d’analyse économique de Donald Trump. Et puisque ses idées reflètent sans doute celles de l’administration américaine, elles méritent qu’on s’y attarde.
Il est traditionnellement considéré que si les Etats-Unis enregistrent des déficits commerciaux chroniques, c’est parce qu’ils dépensent trop, en grande partie à cause de leurs déficits budgétaires. Or dans cette affaire, selon Stephen Miran, le véritable facteur contraignant n’est pas ce déficit budgétaire, comme on le croit, mais l’appétit du reste du monde pour les actifs financiers américains, en particulier pour les bons du Trésor. C’est pour répondre à cette demande des pays étrangers que les Etats-Unis doivent creuser d’importants déficits budgétaires. Les flux entrants de capitaux qui en résultent maintiennent le dollar à un niveau trop élevé pour que les exportateurs américains puissent être compétitifs… ce qui entraîne des déficits commerciaux persistants.
Loin d’être des victimes
Cet argumentaire n’est pas convaincant, pour plusieurs raisons. Le timing, d’abord : l’accumulation de dollars par les banques centrales étrangères n’est réellement apparue qu’après la crise financière asiatique de 1997, lorsque les économies d’Asie de l’Est, très éprouvées par les conditions sévères que leur imposait le Fonds monétaire international (FMI), ont constitué des réserves pour se protéger contre d’éventuels arrêts soudains des financements. Or c’est bien avant, au milieu des années 1970, que les Etats-Unis ont commencé à afficher un double déficit chronique (commercial et budgétaire).
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