Une marée humaine, un déluge de pancartes et de banderoles colorées écrites avec rage et humour : le pays a connu, vendredi 21 mars, une journée de manifestation exceptionnelle, d’une ampleur encore bien plus grande que les deux jours précédents, depuis l’arrestation du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, principal rival et véritable bête noire du chef de l’État, Recep Tayyip Erdogan.
Près de 300 000 personnes dans la mégapole du Bosphore d’après son parti, le CHP, le Parti républicain du peuple, se sont rendues devant le siège de la municipalité à Saraçhane. Au total, d’après les derniers chiffres de la nuit, des rassemblements et manifestations se sont tenus dans 45 des 81 provinces du pays. Une vague de colère inédite qui fait écho, à sa manière, aux mouvements de contestations de Gezi survenus en 2013. Au point de se demander comment la Turquie a fait pour en arriver là.
Depuis la création de la République, en 1923, le pays n’a certes jamais vraiment été une démocratie accomplie ni même achevée, mais les événements de ces derniers jours viennent de marquer indéniablement un tournant dans sa dérive autocratique et autoritaire. Si en soi, l’arrestation d’un leader politique n’est malheureusement pas une nouveauté – du premier ministre Adnan Menderes en 1960 au dirigeant prokurde Selahattin Demirtas en 2016 en passant par Bülent Ecevit en 1980, l’histoire contemporaine turque est truffée d’atteintes aux règles du droit –, celle survenue mercredi 19 mars, avec l’inculpation d’Ekrem Imamoglu, est en train de devenir un cas d’espèce.
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