Le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez, a déposé, lundi 24 novembre, une proposition de loi pour interdire aux mineures de porter le voile dans l’espace public. Son examen rapide semble peu probable, et sa constitutionnalité est mise en doute par des juristes.
M. Wauquiez veut interdire « à tout parent d’imposer à sa fille mineure ou de l’autoriser à porter, dans l’espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure », selon l’article unique de sa proposition de loi. Il s’appuie notamment sur un rapport controversé sur les Frères musulmans commandé par le gouvernement et publié en mai dernier, relatant l’augmentation « massive et visible du nombre de petites filles portant le voile ».
Il estime que le fait, pour des jeunes filles, de porter le voile heurte les principes républicains « les plus fondamentaux », tels que la « protection de l’enfant », « la liberté de conscience » et « l’égalité entre les hommes et les femmes ».
Sa proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Il apparaît peu probable que ce texte soit examiné avant deux mois : la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.
Liberté religieuse
En outre, des professeurs de droit public interrogés par l’Agence France-Presse émettent de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution de cette proposition déjà formulée, tout en la circonscrivant aux moins de 15 ans, par le patron des députés macronistes Gabriel Attal en mai – même si celui-ci n’avait pas déposé de texte.
Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, elle n’a « aucune chance d’être conforme », rappelant que la loi sur la dissimulation du visage que son texte vient modifier a un motif de « sécurité à l’ordre public » et ne « vise aucune religion en particulier ».
Or, M. Wauquiez cible très clairement le voile islamique dans l’espace public, contrevenant « au principe de liberté de religion », ajoute l’enseignante. Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille, se dit également « très réservé ».
Bien que le texte se heurte au principe de liberté religieuse, M. Wauquiez justifie sa démarche par la « préservation des droits de l’enfant », ce qui est « assez habile », reconnaît M. Derosier, mais insuffisant pour garantir sa conformité constitutionnelle.
Assimiler le port du voile par une mineure à « une forme d’asservissement » reste juridiquement fragile. « Incontestablement, une fillette de 9 ans pourrait le faire par mimétisme ou sous l’effet d’une instrumentalisation », observe-t-il. « Mais une adolescente de 16 ans peut davantage le porter par conviction personnelle. »
Il rappelle, par ailleurs, que l’interdiction de dissimulation du visage est justifiée par des raisons de sécurité, avec la nécessité de pouvoir « identifier les personnes », un raisonnement difficilement transposable au fait de se couvrir la chevelure.








