Elle est suspendue dans le vide, accrochée à bout de bras à la corniche d’une fenêtre. La pointe de ses pieds a vaguement trouvé, à tâtons, un minuscule point d’ancrage, mais on pressent qu’elle ne tiendra pas longtemps. Juste en dessous, dans la ruelle, des gens fuient en criant. Un garçon traîne un corps inerte. D’autres silhouettes sont enchevêtrées sur le trottoir.
Une femme hurle : « C’est mon mec, aidez-le ! » On entend le bruit métallique de coups de feu qui claquent. Et puis, dans un moment d’accalmie, la fille suspendue à la corniche qui supplie des ombres, en bas, que l’on devine cachées sous une porte cochère : « S’il vous plaît, je suis enceinte… s’il vous plaît, je vais lâcher… » Il est 21 h 40, ce 13 novembre 2015, les terroristes ont ouvert le feu depuis quelques minutes à l’intérieur du Bataclan.
Aux petites heures du matin, le lendemain, les images de cette jeune femme suspendue dans le vide, au milieu du chaos de la fusillade, ont fait le tour du monde. Et aussi celles d’un homme, accroché comme elle à une fenêtre du Bataclan, qui a finalement quitté son abri pour la faire remonter à l’intérieur, à bout de bras, et la sauver de la chute. C’est un journaliste du Monde qui les a saisies, un peu à la volée, sans comprendre tout à fait ce qui se produisait alors.
« Sœur d’armes »
Daniel Psenny habite au deuxième étage du 14, passage Amelot, un peu à gauche de l’unique sortie de secours du Bataclan. Dans cette petite rue du 11e arrondissement de Paris, les bagarres de fin de concert sont fréquentes. Alors, aux premiers coups de feu, il a ouvert sa fenêtre sans imaginer que, tout près, des commandos de djihadistes avaient déjà mitraillé des dizaines de personnes assises à des terrasses de café et que le Bataclan, où un groupe de hard rock américain donne un concert, est la dernière étape de leur mortelle virée.
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