La revue des revues. Pogrom, apartheid, résistance, colonisation, génocide : les attaques terroristes du 7-Octobre, et le conflit qui en a découlé ont d’emblée mobilisé des termes mémoriels venus de partout et se télescopant pour décrire une situation nouvelle. « Les violences radicales qui ont eu lieu, ne s’inscrivant pas dans des cadres cognitifs partagés et déstabilisant notre jugement, ont immédiatement été surinvesties d’une dimension mémorielle », écrit le professeur de littérature comparée Philippe Mesnard dans l’introduction du hors-série de Mémoires en jeu sorti à l’automne.
Intitulé « Après, avec et malgré le 7-Octobre », ce numéro de la revue critique interdisciplinaire et multiculturelle sur les enjeux de mémoire née en 2016 tient un sujet de choix, remarquablement traité et divisé en quatre parties : la France et ses démons au miroir du 7-Octobre, l’Allemagne prise en étau entre mémoire de la Shoah et histoire de la colonisation, une autre consacrée aux défis pédagogiques, la dernière se composant de contributions plus diverses d’intellectuels israéliens et palestiniens. Vaste programme, qui aide à saisir un peu de l’ampleur des enjeux mémoriels ébranlés par ce conflit.
Inconfort moral
L’historien et sociologue Jérôme Bourdon écrit précisément sur le « festival analogique » qu’a occasionné le 7-Octobre, retraçant la longue histoire de l’usage et de l’acceptation des comparaisons historiques. Il évoque l’historien de l’art Ernst Gombrich (1909-2001) qui, parlant des caricatures politiques, écrivait que « lorsque nous sommes perplexes et frustrés, nous cherchons tous à nous rabattre sur le primitif ». « On peut dire que certaines analogies, notamment celles qui évoquent le nazisme ou l’Holocauste, et dans une moindre mesure l’apartheid, sont notre “primitif historique” », avance pour sa part Jerôme Bourdon.
Il vous reste 36.85% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
