Planté sur la Côte d’Opale, d’où il observe les rives britanniques voisines (à 30 kilomètres à vol d’oiseau), le château d’Hardelot (Pas-de-Calais), avec ses pierres claires arc-boutées les unes sur les autres, détonne dans un paysage verdoyant où les forêts domaniales d’Hardelot et d’Ecault s’étendent à perte de vue. Construit au XIXe siècle par un Anglais sur les ruines d’une forteresse médiévale, il est surmonté d’un drapeau franco-britannique et agrémenté, sur ses pelouses, d’un théâtre en bois circulaire.
L’ensemble est devenu, en 2009, le Centre culturel de l’Entente cordiale. Une volonté du département du Pas-de-Calais, qui en finance à lui seul le train de vie : 1,1 million d’euros de crédits en 2024. C’est assez pour que le directeur, Eric Gendron, entrecroise, dans une programmation binationale, expositions, concerts, cinéma en plein air, ateliers pour les scolaires ou spectacles de théâtre.
« Nous sommes une vingtaine de permanents. A l’exception de janvier, nous ne fermons jamais. Du British Jazz Festival au Printemps médiéval, en passant par les Shakespeare Nights, chaque mois est consacré à un thème. Notre mission est d’être attractif sur les plans touristique et culturel », explique le patron, qui se désole, trousseau de clés à la main, du caractère singulier de la visite, ce mardi 7 mai. « Les tempêtes qui ont ravagé la région ne nous ont pas épargnés. A cause des infiltrations d’eau, nous devons mettre les œuvres à l’abri. »
Sur place, les équipes déménagent avec précaution peintures à l’huile, sculptures et meubles ouvragés. Un crâne en marbre attend son heure, le canon offert par la reine Victoria également. Le fumoir, la bibliothèque, la salle à manger, l’immense escalier de bois : pas un mètre carré qui ne soit sécurisé. Les randonneurs devront se contenter, pendant quelques mois, d’admirer le château de ses jardins.
Réplique du Globe de Londres
Même le théâtre circulaire, autre atout (et non des moindres) de ce site éclectique, a subi les caprices de la météo. Les hauts bambous qui l’encerclent ont été retirés, pour éviter le risque de les voir chuter sur les passants. L’édifice n’en reste pas moins impressionnant. Et pour cause : surgi de terre en 2015, il est la réplique du Théâtre du Globe, qui, à Londres, accueillait les pièces de Shakespeare.
C’est donc ici qu’avec évidence se sont dirigés les pas d’Irina Brook, pour qui l’œuvre de l’élisabéthain est une source de jouvence permanente (elle a adapté et mis en scène Roméo et Juliette, Tempête !, Le Songe). L’artiste franco-britannique n’est pas pour rien dans la construction de cet écologique bâtiment : « Avec l’architecte Andrew Todd, nous l’avions rêvé comme le croisement entre le Globe londonien et les Bouffes du Nord parisiens. A l’origine, il devait être implanté en bordure de Seine, près de Ris-Orangis [Essonne]. Je me suis retirée du projet, et c’est finalement sur la Côte d’Opale qu’Andrew l’a bâti. »
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