Trois ans après l’invasion russe, les Etats-Unis de Donald Trump se sont alliés, lundi 24 février, à la Russie lors de votes sans précédent à l’ONU sur le conflit ukrainien, poussant leur idée d’une paix rapide sans condamnation de Moscou, ni défense des frontières de l’Ukraine.
Alors que l’administration de Joe Biden avait toujours soutenu Kiev, les votes américains à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité mettent en lumière le changement radical de la politique américaine avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Lundi matin, une première résolution préparée par l’Ukraine et ses alliés européens a été adoptée à l’Assemblée par 93 voix pour, 18 contre, et 65 abstentions, sur 193 Etats membres.
Un succès pour ses partisans, même si l’Ukraine a perdu de nombreux soutiens dont celui des Etats-Unis de Donald Trump qui ont voté contre, aux côtés de la Biélorussie, du Mali, du Nicaragua, de la Corée du Nord, ou de la Hongrie, mais aussi de la Russie, dont l’ambassadeur, Vassili Nebenzia, a dénoncé « un morceau de papier anti-russe ».
La résolution reconnaît qu’il est « urgent » de mettre fin à la guerre « cette année », et répète sans équivoque les précédentes demandes de l’Assemblée : retrait immédiat des troupes russes du territoire ukrainien et arrêt des hostilités menées par la Russie.
A titre de comparaison, en 2022, une résolution condamnant l’agression russe en Ukraine et demandant à Moscou le retrait immédiat de ses troupes avait été adoptée à l’Assemblée par 141 voix pour, 5 contre, et 35 abstentions, sur 193 Etats membres.
Une résolution concurrente
Défiant Kiev et ses alliés européens, les Etats-Unis ont, de leur côté, soumis à l’Assemblée une résolution concurrente réclamant la fin rapide du conflit sans référence à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, au moment où Donald Trump a entamé un rapprochement avec le Kremlin et multiplié les invectives contre son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, désormais sous pression.
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Le très court texte qui demandait « instamment qu’il soit mis fin au conflit dans les plus brefs délais et plaide pour une paix durable » n’a pas été mis aux voix tel quel. Il a en effet été largement modifié par plusieurs amendements de pays européens pointant clairement du doigt la Russie pour ce conflit, affirmant son attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et réclamant une « paix juste ». Le texte modifié a été adopté par 93 voix pour, 8 contre et 73 abstentions.
Les représentants d’une trentaine d’alliés de l’Ukraine ont salué « le message fort » de l’Assemblée. « Toute paix qui risque de récompenser l’agression augmente le risque que n’importe quel pays dans le monde subisse une agression similaire », ont-ils insisté, évoquant la menace d’un « précédent ».
Rejet des amendements
Mais le texte américain original a ensuite été soumis au Conseil de sécurité, où les Etats-Unis ont cette fois enregistré une victoire. « Nous sommes fiers que le Conseil de sécurité » ait adopté « un accord historique, un jalon, le premier en trois ans », a salué l’ambassadrice américaine par intérim, Dorothy Shea, alors que le Conseil était paralysé jusqu’alors sur ce dossier par le droit de veto russe. « Cette résolution représente un chemin vers la paix », « ce n’est pas un accord de paix qui coûte quoi que ce soit », a-t-elle également justifié.
Après le rejet de tous les amendements proposés par les quatre membres de l’Union européenne (France, Slovénie, Grèce, Danemark) et le Royaume-Uni pour introduire une référence à l’agression russe et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, la résolution a été adoptée par 10 voix pour, et aucune contre. Les cinq mêmes pays européens se sont abstenus, y compris la France et le Royaume-Uni, qui auraient pu choisir de bloquer l’adoption en utilisant leur veto pour la première fois depuis 1989.
« Cette guerre est illégale, une violation claire de la Charte de l’ONU et une menace pour les principes fondateurs de l’ONU. Personne ne veut la paix plus que l’Ukraine, mais les termes de cette paix ont leur importance », a commenté l’ambassadrice britannique, Barbara Woodward, tandis que son homologue français, Nicolas de Rivière, insistait pour « une paix qui ne peut en aucun cas être synonyme de capitulation de l’agressé ».
« L’UE a quand même enregistré une victoire morale à l’Assemblée », a noté Richard Gowan, de l’International Crisis Group. Mais les diplomates européens vont s’inquiéter que la Russie et les Etats-Unis dirigent d’autres résolutions sur l’Ukraine vers le Conseil de sécurité, y compris pour soutenir un éventuel accord concocté par Trump et Poutine.