La phrase de Jean-Michel Aphatie, comparant les massacres commis par les Français en Algérie et celui perpétré par les Allemands à Oradour-sur-Glane [Haute-Vienne], a suscité une polémique dans la presse et les réseaux sociaux. Tout ce tohu-bohu médiatique peut avoir un intérêt : revenir sur les premiers temps de la colonisation française en Algérie. Et le constat est clair : la conquête, qui s’étend sur plus de vingt ans à partir de 1830, a été une véritable guerre, avec tout son cortège de massacres et de destructions. Tout cela était parfaitement connu au temps où les choses se déroulaient et publiquement justifié par ceux qui les commettaient. Elles étaient aussi violemment critiquées par une partie de l’opinion.
La conquête française commence en juillet 1830 avec la prise d’Alger. Mais c’est avec l’intensification des combats dans la décennie suivante que la guerre prend un tournant tragique. Face à Abdelkader [1808-1883] et aux populations algériennes qui résistent à la conquête, Thomas Bugeaud, nommé gouverneur général en 1841, préconise ce que l’on pourrait appeler une guerre à outrance afin de couper le chef algérien du soutien des tribus en multipliant les razzias. Il avait expérimenté les tactiques de contre-guérilla en Espagne, pendant la campagne menée par les armées napoléoniennes.
La razzia est une opération militaire dirigée sur un village ou un campement se terminant le plus souvent par la destruction des habitations et des récoltes. Elle avait déjà été pratiquée par le terrible général français [Joseph Vantini] dit « Yousouf » dès les années 1830. En 1841, Bugeaud (mais aussi ses officiers comme La Moricière) systématise et justifie le recours à la razzia qui, dit-il, « permet d’assurer la sécurité » et la « soumission » des populations et de leurs élites. Il recommande ainsi à ses officiers d’« empêcher les tribus de cultiver » et de « vider leurs silos », où étaient entreposées les récoltes. Dans les zones de guerre, les arbres fruitiers ont été rasés. Quasiment chaque jour, la presse française mentionne sans s’y attarder autrement les razzias faites sur telle ou telle tribu.
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