La décision est tombée le 18 septembre : le « couloir de la mort » de la prison de Fresnes, dans le Val-de-Marne, ne sera pas inscrit au titre des monuments historiques. Un échec pour le sénateur communiste du département, Pascal Savoldelli, qui en avait fait la demande il y a plus d’un an auprès du ministère de la culture. Il entendait faire reconnaître le rôle central de ce corridor souterrain situé sous l’édifice pénitentiaire, où seraient passés, raconte-t-il, près de dix mille prisonniers pendant la seconde guerre mondiale. La direction régionale des affaires culturelles d’Ile-de-France, chargée d’instruire sa requête, a tranché. « D’un point de vue strictement historique, lui a-t-elle opposé par lettre, l’usage de cet espace comme lieu de transit des résistants condamnés à mort reste en débat. » Pascal Savoldelli, pourtant, n’en démord pas : « Il faut que la prison de Fresnes assume l’histoire qui a été la sienne. »
Le feuilleton démarre en mai 2023, lorsque le sénateur, aidé de Loïc Damiani, historien au Musée national de la Résistance de Champigny-sur-Marne et élu du Parti communiste à Fontenay-sous-Bois, entreprend les démarches pour protéger le couloir de toute destruction. Emmanuel Macron s’était en effet engagé, en 2018, à une rénovation d’ampleur du centre carcéral de Fresnes, l’un des plus grands et vétustes de France avec quelque deux mille détenus (selon l’Observatoire international des prisons), chiffrée à l’époque à 270 millions d’euros. Six ans plus tard, les travaux n’ont toujours pas débuté, mais le duo d’élus veut prendre les devants. Pendant la seconde guerre mondiale, « la prison de Fresnes était le plus grand centre de la répression de la Résistance, au cœur de la machine de coercition allemande avec le Mont-Valérien [Hauts-de-Seine] et le camp de Compiègne », le centre de transit que les nazis avaient installé dans l’Oise, explique Loïc Damiani.
Cogérée par l’occupant et l’administration française, Fresnes, véritable « prison politique », selon Loïc Damiani, a d’abord fait office de centre de détention pour des milliers de résistants, dont de nombreux militants communistes, avant de se transformer, en 1941, en centre de tri : beaucoup de prisonniers ont été déportés dans les camps de concentration allemands, d’autres fusillés au Mont-Valérien. Parmi eux, le célèbre résistant arménien Missak Manouchian, panthéonisé en février. Chef des FTP-MOI de la région parisienne, il y fut emprisonné et torturé après son arrestation, en 1943. C’est dans sa cellule de Fresnes qu’il écrivit sa « Lettre à Mélinée », dernière adresse envoyée à son épouse. Le 21 février 1944, Missak Manouchian empruntait le couloir de la mort pour être conduit au Mont-Valérien, où il fut fusillé. En octobre 1945, le chef du gouvernement de Vichy, Pierre Laval, parcourait à son tour ce passage, avant d’être exécuté pour « haute trahison ».
Il vous reste 47.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.