Paul Watson va encore devoir attendre pour être fixé sur son sort. La troisième demande de mise en liberté déposée par ses avocats a été rejetée, mercredi 2 octobre, par le tribunal de Nuuk, capitale du Groenland où le défenseur de la biodiversité marine canadien est incarcéré depuis le 21 juillet. La justice locale considère qu’il doit rester derrière les barreaux trois semaines de plus, jusqu’au 23 octobre, « afin d’assurer sa présence dans le cadre de la décision d’extradition » réclamée par le Japon au Danemark, royaume dont fait partie le Groenland.
Cette prolongation d’emprisonnement est « disproportionnée », rétorquent ses défenseurs, au regard des accusations dont il est l’objet. Agé de 73 ans, Paul Watson est, d’après eux, victime d’une affaire « montée de toutes pièces ». « Les autorités danoises doivent réaliser que sa détention et sa possible extradition sont illégales. Il y a un décalage choquant entre ce que l’on reproche à cet homme et ce qu’on lui fait subir. Au Japon, il finirait ses jours en prison pour des faits qui n’ont pas eu lieu, ce pays ne présentant pas les garanties élémentaires requises pour un procès équitable », affirme François Zimeray, l’un de ses avocats, ancien ambassadeur de France à Copenhague entre 2013 et 2018.
« Tout cela repose sur une fausse accusation portée par une entreprise criminelle, l’industrie japonaise de la chasse à la baleine », a dit Paul Watson à son entrée au tribunal, mercredi. Aux yeux de Tokyo, le fondateur de l’ONG Sea Shepherd est responsable « d’obstruction forcée au commerce, d’atteinte à l’intégrité physique, d’intrusion dans un navire et de vandalisme », pour des dommages et blessures occasionnés en 2010 à un baleinier nippon et son équipage dans l’océan Austral. Un navire pourtant supposément dédié à la recherche, et non au commerce de cétacés, interdit depuis 1986 par la Commission baleinière internationale.
Une situation « complexe »
La prolongation relativement courte de l’incarcération semble confirmer ce que laissait entendre ces dernières heures le ministère de la justice danois, à savoir que le verdict de Copenhague sur l’extradition ne devrait maintenant plus tarder. D’ici là, les magistrats groenlandais préfèrent manifestement rester prudents, sachant qu’en 2012, Paul Watson s’était évaporé dans la nature après avoir été assigné à résidence en Allemagne.
« L’attitude des juges groenlandais peut aussi être lue comme une affirmation provinciale de souveraineté et d’indépendance à l’égard de l’ancienne puissance coloniale danoise », observe un juriste impliqué dans ce dossier, sous le couvert de l’anonymat. L’arrestation du lanceur d’alerte aurait en effet eu lieu à l’initiative du Groenland et des îles Féroé, deux pays indépendants constitutifs du royaume du Danemark. La procédure d’extradition est certes aux mains de la justice danoise, mais cette dernière doit statuer en droit groenlandais.
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