« Christophe a toujours sauté de rocher en rocher en respirant fort les embruns de l’époque. Il a longtemps été un homme pressé. » Impossible de contredire l’écrivaine Geneviève Brisac lorsqu’elle dépeint Christophe Honoré, dont elle fut l’éditrice et la coscénariste. De 1996 à aujourd’hui, l’intéressé, affamé de romanesque, a en effet signé « vingt-deux livres pour la jeunesse, cinq romans, seize longs-métrages, quinze pièces de théâtre, six mises en scène d’opéra », comptabilise Xavier Lardoux, en introduction de Christophe Honoré. Des fantômes et des arts, édité chez Gallimard et conduit par cet ancien directeur du cinéma au Centre national du cinéma et de l’image animée. Que retenir dès lors d’un artiste souvent comparé par son entourage à un Fassbinder pour son approche foisonnante et protéiforme ?
Si d’instinct le grand public résume souvent l’œuvre de Christophe Honoré aux Chansons d’amour (2007), irrésistible mélodrame, l’ouvrage fonctionne comme un kaléidoscope. On peut y découvrir films, pièces, opéras ou romans méconnus, photos de tournage, Polaroid de repérage, extraits de textes fondateurs (Hervé Guibert, Jean-Luc Lagarce, Roland Barthes), références appuyées à la Nouvelle Vague… Au fil de cinq entretiens, Christophe Honoré est interrogé sur l’enfance, la famille, les formats artistiques, l’amour, le temps.
Nombre de ses collaborateurs témoignent aussi à la première personne. Tous ou presque se sont prêtés au jeu : les acteurs alter ego (Chiara Mastroianni, Louis Garrel, Vincent Lacoste), les seconds rôles savoureux (Marina Foïs, Marlène Saldana, Jean-Charles Clichet), le chanteur et compositeur Alex Beaupain, l’illustratrice Gwen Le Gac, des directeurs de festivals… Au fil des pages, c’est avec leur concours précieux que se dessine le portrait d’un Breton sentimental et épris du passé, qui réclame un projecteur de film super-huit dès ses 8 ans, perd brutalement son père à l’adolescence et érige ensuite, en guise de trompe-la-mort, des œuvres référencées, colorées de mélancolie, de sexe, de légèreté. « Il est une sorte de nécromancien ou de “nécromantique” », poétise Xavier Lardoux, soulignant que, chez Honoré, cohabitent naturellement les esprits des vivants et des morts.
Le livre piquera aussi la curiosité des cinéphiles avides d’en savoir plus sur le rapport privilégié que le metteur en scène entretient avec ses comédiens. On peut ainsi avoir un aperçu des abécédaires, sorte de collages d’inspirations qu’il leur adresse avant le premier clap. Ou lire les lettres explicatives, enamourées et séductrices qu’il leur écrit. Au cours d’un entretien, Honoré plante ainsi le décor : « Les plateaux sont pour moi comme des pistes d’autos tamponneuses sur lesquelles j’essaierais de préserver une petite zone de sécurité où il serait impossible que les acteurs se cognent. »
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