Sur la scène internationale, la France se présente comme un des pays les plus engagés pour lutter contre la faim dans le monde, et pourtant, à l’intérieur de ses frontières, le droit à l’alimentation est loin d’être reconnu comme droit fondamental. Dans un rapport publié mardi 22 octobre, l’ONG Action contre la faim (ACF) analyse les ressorts de ce paradoxe et formule plusieurs propositions pour renforcer les politiques publiques, alors que la précarité alimentaire gagne du terrain.
Tout en reconnaissant que la France agit, mais de façon morcelée, l’association déplore que la lutte contre l’insécurité alimentaire, essentiellement portée par le ministère des solidarités, ne soit pas davantage concertée avec les politiques agricoles, environnementales et commerciales. « On est étonnés que la France ne montre pas plus l’exemple sur son territoire », souligne Hélène Quéau, directrice de la mission France d’ACF, qui a lancé il y a cinq ans des actions dans le pays et qui appelle Paris à se doter d’une loi-cadre en la matière.
Dans le monde, le droit à l’alimentation est encadré par plusieurs textes internationaux, mais ceux-ci ne sont en réalité que peu ou pas reconnus dans les droits internes. Les textes engagent pourtant les Etats à agir pour réaliser l’accès de tous à une alimentation saine, de qualité, durable et adéquate, tant sur leur territoire que dans leurs relations internationales.
« Perspective transversale »
Paris a ratifié en novembre 1980 le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui a introduit une des premières définitions internationales de ce droit. Et depuis 2004, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a adopté des « directives sur le droit à l’alimentation » qui en définissent le cadre, notamment l’importance de formaliser ce principe dans le droit positif.
Pourtant, le droit à l’alimentation ne figure ni dans le bloc constitutionnel de la France, ni dans les lois nationales, même si l’article 55 de la Constitution affirme la primauté des traités internationaux sur le droit interne.
« Le droit à l’alimentation ne se cantonne pas au socle minimal d’être à l’abri de la faim. Il implique une perspective transversale, se basant sur une approche fondée sur les droits humains et une attention à toute logique d’inégalités ou d’exclusions », définit Magali Ramel, docteure en droit public et spécialiste du sujet. Cette approche exige d’aller au-delà des objectifs techniques de lutte contre l’insécurité alimentaire. « Le droit à l’alimentation repose sur quatre exigences, poursuit la juriste : la disponibilité de l’alimentation ; son accessibilité physique, économique et sociale ; sa durabilité ; et enfin, l’adéquation notamment aux ressources d’un territoire et aux besoins et choix de la personne. »
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