Après avoir connu une explosion pendant le premier quinquennat Macron, le recours de l’Etat aux cabinets de conseil est désormais en net recul. C’est la conclusion d’un bilan publié par le gouvernement le 18 octobre, en marge des discussions budgétaires, qui fait le point, pour la troisième année consécutive, sur le recours de l’Etat aux « conseils extérieurs ».
Les dépenses de conseil ont ainsi reculé de 47 % entre 2022 et 2023, passant de 137 à 73 millions d’euros, selon le décompte de Bercy. Elles ont même été divisées par quatre depuis 2021, année de l’affaire McKinsey, qui a marqué le début de la réflexion sur la dépendance aux cabinets de conseil, et de l’effort pour la réduire.
Dans le détail, le nombre de missions commandées par les ministères n’a en réalité que peu évolué : 4 682 en 2023, contre 4 854 en 2021. Mais leur coût moyen a sensiblement diminué, passant de 55 931 à 15 686 euros, et contribuant à alléger considérablement la facture pour les finances publiques.
L’objectif de − 35 % largement dépassé
Cette plus grande sobriété résulte notamment des objectifs fixés par l’ancien premier ministre Jean Castex dans une circulaire publiée en janvier 2022. Rédigé dans un contexte de forte défiance vis-à-vis des consultants, juste avant la publication d’un rapport cinglant du Sénat sur le sujet, ce texte visait à rationaliser et encadrer la sous-traitance des « prestations intellectuelles », devenue en quelques années un véritable réflexe dans les services de l’Etat. Les ministères ont alors été contraints d’instaurer des mécanismes de pilotage de ces dépenses et de veiller à les limiter au strict nécessaire. Cet effort s’est accompagné d’un plan (encore modeste) de réinternalisation de compétences au sein de l’administration, passant notamment par des recrutements au sein de la Direction interministérielle à la transformation publique (DITP), qui héberge notamment la nouvelle Agence de conseil interne de l’Etat.
Ces efforts conjugués semblent donc avoir porté leurs fruits. « L’objectif de réduire de 35 % les engagements de l’Etat [en 2023] par rapport aux autorisations d’engagement consommées en 2021 a donc été dépassé », se félicite le gouvernement dans le document budgétaire. A l’exception du ministère des armées, l’ensemble des administrations ont réduit leurs crédits. Ces bons résultats tendent à dissiper les réserves exprimées par l’inspection générale des finances dans un rapport publié en 2023, qui craignait que la baisse des dépenses observées en 2022 soit liée à des facteurs conjoncturels, comme les échéances électorales ou l’expiration du gros contrat-cadre de la DITP, dans lequel piochent de nombreuses administrations pour recruter des consultants.
Bémol à ce satisfecit : le gouvernement exclut de cette analyse budgétaire une part importante des prestations intellectuelles, les missions d’audit et de conseil informatique. La commission d’enquête du Sénat avait au contraire estimé en 2022 qu’elles intégraient souvent une « forte composante stratégique », en raison de l’enjeu des grands projets informatiques de l’Etat. On ignore donc quelle serait la dynamique des dépenses en tenant compte de ces prestations.
Aucune trace de McKinsey
Comme les deux années précédentes, le gouvernement ne réussit que partiellement l’exercice de transparence que lui réclamait le Sénat pour « en finir avec l’opacité ». A défaut de révéler la liste complète des quelque 5 000 missions de conseil commandées par l’administration, le document budgétaire se contente de dévoiler l’intitulé des dix missions les plus coûteuses engagées par chaque ministère (hors armées et intérieur, exemptés pour des raisons de confidentialité).
Ce listing ne révèle l’existence d’aucune mission de conseil en stratégie de premier plan, comme celles qui avaient émaillé le début de la présidence d’Emmanuel Macron. Il s’agit pour l’essentiel d’appui à la gestion des ressources humaines, aux réorganisations, à la communication, ou encore du conseil juridique. L’une des plus grosses missions a été confiée au cabinet EY Advisory, qui a reçu 1,4 million d’euros pour épauler l’Agence nationale de l’habitat dans la mise en place des dispositifs MaPrimeAdapt’et Mon accompagnateur Rénov’.
Aucune trace non plus du cabinet américain McKinsey, qui a déserté depuis 2021 le conseil aux organismes publics, échaudé d’avoir été érigé en symbole de la dérive du recours aux consultants en raison de sa participation à plusieurs missions stratégiques et de la proximité de certains de ses cadres avec la Macronie. Sur les deux années précédentes, le premier prestataire de l’Etat est le groupe français Capgemini (8,7 millions d’euros), suivi d’Inop’s (6,7 millions d’euros) et EY Advisory (6,6 millions d’euros). Mais derrière ces mastodontes, le monde du conseil aux administrations publiques fourmille aussi de nombreux prestataires (2 828 au total), parfois modestes, spécialisés dans le droit, les ressources humaines ou encore la communication.