Pour les uns, « ça sent le bitume ». Une autre voit ressurgir l’odeur « des gros feutres » utilisés sur les tableaux blancs. Tour à tour, la vingtaine de personnes installées dans la salle des fêtes de Velles (Indre) tendent leur nez au-dessus d’un flacon : à l’intérieur, du castoréum, une substance secrétée par le plus gros rongeur d’Europe. Autrefois abondamment utilisée pour fabriquer des parfums, elle permet au castor de marquer son territoire.
Pour celles et ceux chargés de documenter sa présence sur le terrain, elle peut aussi constituer un indice précieux – en plus des branches taillées en sifflet ou des troncs en forme de sablier : en cette fin novembre, l’Office français de la biodiversité (OFB) a convié des membres d’associations de protection de la nature et des « techniciens rivière » du conseil départemental et d’un syndicat mixte d’aménagement dans le cadre de l’ouverture de son « réseau castors ». « L’objectif de cette journée, c’est de vous apporter des connaissances et de vous expliquer les missions auxquelles on vous propose de participer, notamment concernant le suivi de l’espèce », décrit Paul Hurel, le coordinateur national du réseau à l’OFB, qui anime la formation.
L’ouverture officielle du réseau s’inscrit dans une dynamique plus large : cinquante ans après la réintroduction de castors dans la Loire, un colloque consacré à cet animal se tient à Blois, jeudi 12 et vendredi 13 décembre – point d’orgue d’une « année du castor ». Les grandes lignes de la première stratégie nationale consacrée à ce mammifère doivent y être présentées. D’ici à 2026, elle pourrait déboucher sur un plan national d’action, endossé par le gouvernement.
Plus de 20 000 individus
Cet intérêt témoigne du succès que représente le retour de ce mammifère. Après avoir été massivement chassé pour sa fourrure, sa chair et son castoréum, ce gros animal à la queue plate a quasiment disparu d’Europe. Au début du XXe siècle, la France comptait moins d’une centaine d’individus au nord de la Camargue. En 1909, le castor devient le premier mammifère à bénéficier de mesures de protection, grâce à des arrêtés préfectoraux pris dans trois départements. Il recolonise progressivement le Rhône, jusqu’à Lyon. Des années 1950 au début des années 2000, une trentaine d’opérations de réintroduction sont organisées, à chaque fois à partir de la population initiale. « En termes de diversité génétique, ce n’est pas bon du tout, mais l’espèce semble pour l’instant tolérer cette faible variété », précise Paul Hurel.
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