Le célèbre écrivain kényan Ngugi wa Thiong’o, plusieurs fois cité comme un possible prix Nobel de littérature, est mort mercredi 28 mai à l’âge de 87 ans, a annoncé sa fille sur Facebook. « C’est avec le cœur lourd que nous annonçons le décès de notre père, Ngugi wa Thiong’o, ce mercredi matin », a écrit Wanjiku Wa Ngugi, ajoutant : « Il a vécu une vie bien remplie et s’est bien battu. »
Considéré comme l’un des écrivains les plus influents d’Afrique de l’Est, il est l’auteur d’une œuvre reflétant la terre et le peuple dont il était issu, sans suivre les traces de la tradition occidentale.
Emprisonné par les autorités kényanes en 1977 et 1978, notamment pour avoir écrit des pièces de théâtre qui s’attaquent aux élites du pays, il décide d’abandonner l’anglais pour écrire dans sa langue natale, le kikuyu, choix radical mais capital dans une œuvre marquée par la lutte contre les inégalités.
« Il a revitalisé les langues africaines »
« Je crois tellement en l’égalité des langues. Je suis complètement horrifié par la hiérarchie des langues », affirmait-il en 2024 dans un entretien à l’Agence France-Presse depuis la Californie, où il vivait en exil. Cette décision avait à l’époque suscité l’incompréhension. « Nous pensions tous qu’il était fou (…) et courageux à la fois », raconte l’écrivain kényan David Gian Maillu : « On se demandait qui achèterait les livres. »
« Il a revitalisé les langues africaines, longtemps dénigrées comme étant incapables d’exprimer la modernité de manière intelligible », estimait Evan Mwangi, professeur de littérature à l’université américaine de Northwestern. « Il fait ce que d’autres écrivains majeurs de l’histoire ont fait : écrire dans la langue de leur peuple plutôt que dans celle de l’élite », poursuivait-il, citant les exemples de Shakespeare, Dante et Tolstoï.
Né dans une famille de paysans de la région de Limuru, non loin de Nairobi, Ngugi wa Thiong’o a été marqué dès sa jeunesse par la colonisation britannique et la révolte Mau-Mau entre 1952 et 1960, cruciale dans la marche vers l’indépendance, finalement obtenue en 1963, qui influenceront ses premières œuvres.