C’est un nouveau renoncement sur le front de la transition écologique. Les industriels de l’agroalimentaire et du plastique pourront continuer à écouler les milliards de pots de yaourts, compotes et barquettes de viande en polystyrène malgré l’interdiction qui devait entrer en vigueur en 2025 en cas d’absence de filière française de recyclage. Interrogé par Franceinfo et Le Monde, le ministère de la transition écologique n’en fait plus mystère : « Les ambitions de la loi étaient trop ambitieuses. Nous sommes dans une impasse. » A moins de six mois de l’échéance, les industriels ne sont pas prêts et la filière française de recyclage du polystyrène reste une chimère. Ce renoncement enterre définitivement l’un des principaux objectifs de la loi antigaspillage et pour l’économie circulaire (AGEC) de 2020 : tendre vers 100 % d’emballages en plastique recyclés avant 2025.
Depuis plusieurs années, Syndifrais, le syndicat qui représente les professionnels des produits laitiers frais (Yoplait, Lactalis, Senoble, Rians…) déploie un intense lobbying pour sauver les 15 milliards de yaourts qu’il vend chaque année et convaincre le gouvernement qu’une filière française de recyclage du polystyrène apte au contact alimentaire sera opérationnelle en 2025. L’offensive débute en 2020 : Syndifrais lance le consortium « PS25 » avec d’autres entreprises utilisatrices d’emballages en polystyrène (Andros, Bigard…) et Citeo, l’éco-organisme financé par le secteur de la grande distribution pour mieux gérer ses déchets.
En juin 2021, le consortium signe une « charte d’engagement » avec le ministère de la transition écologique visant « l’émergence d’une filière de recyclage française efficiente » avant 2025 avec la promesse d’« usines opérationnelles dès 2023 ». Parmi les signataires, on retrouve aussi le lobby du plastique (Plastics Europe, Polyvia, Elipso) et Michelin en tant que porteur d’un projet d’usine devant démarrer avant la fin 2023.
« Manque de rigueur scientifique »
Première victoire, lors du vote de la loi climat et résilience en juillet 2021, les industriels réussissent à convaincre les sénateurs et les députés, plutôt que d’opter pour une interdiction ferme au 1er janvier 2025, de conditionner cette suppression à l’absence de filière de recyclage spécifique. En décembre 2021, les signataires de la charte ont remis au ministère de la transition écologique un rapport d’étape. Il n’a jamais été rendu public mais Franceinfo et Le Monde ont pu s’en procurer une copie. En moins de 50 pages, le document conclut que la mise en place d’une filière de recyclage du polystyrène en France d’ici à 2025 est non seulement « techniquement possible » mais représente « une réponse pertinente pour limiter [son] impact environnemental et [atteindre] notamment l’objectif de réduction des plastiques ».
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