Pourquoi Arlequin a-t-il un bouton sur le front ? C’est qu’il est un peu diabolique, l’animal. Et sa bosse est la trace laissée par la corne du Malin. L’Italie du XVIe siècle a beau être déjà largement entrée dans la Renaissance, contrairement à la France, les représentations médiévales y sont encore présentes. Avec la commedia dell’arte, qui s’invente dans la région de Padoue aux alentours de 1545, le théâtre occidental renoue avec le masque, qui avait disparu depuis l’Antiquité gréco-romaine.
D’où vient la réapparition de cet artefact, dont le nom italien, maschera, désigne aussi bien l’objet que le type de personnage qu’il incarne, Arlequin, Pantalon, Pulcinella ou Brighella ? Le masque de commedia est-il emblématique de ce qui se joue dans cette charnière entre le Moyen Age et l’ère moderne ?
Françoise Decroisette, professeure émérite de l’université Paris-VIII en études italiennes, voit d’abord dans cette renaissance du masque l’effet de circonstances historiques et politiques. « La commedia dell’arte se caractérise au départ par la volonté d’acteurs de se regrouper et de se structurer de manière professionnelle. Ces compagnies voulaient se démarquer du théâtre d’académie destiné à un public restreint, pour toucher une audience plus large. Ils vont donc inventer une manière de jouer beaucoup plus plastique, en repartant des personnages de la comédie classique et en les façonnant pour qu’ils soient reconnaissables par tous. D’où les masques, qui permettent aux personnages d’être immédiatement identifiables à l’œil. Mais, pour autant, tous les rôles de la commedia ne sont pas masqués : les amoureux et les femmes, notamment, ne le sont pas. »
Fonction de caricature
Il vous reste 73.47% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.