En 2018, une équipe sud-coréenne décrivait les plus petites empreintes de pas connues attribuées à un dinosaure carnivore – probablement un microraptor. Ces traces avaient été découvertes près de la ville de Jinju, dans le sud du pays. Ne mesurant pas plus d’un centimètre, elles s’étaient fossilisées après le passage de l’animal, sur les berges vaseuses d’un lac, il y a plus de 100 millions d’années. Leur découvreur, Kyung Soo Kim (Université nationale d’éducation de Chinju, Gyeongnam), avait noté que leur espacement pouvait laisser supposer que la bestiole, bipède de la taille d’un moineau, pouvait approcher une vitesse impressionnante de 40 km/h (environ 10,5 m/s).
Dans une nouvelle étude publiée lundi 21 octobre dans les PNAS, il s’est associé à une équipe internationale pour tenter de déterminer comment un si petit animal pouvait courir aussi vite. La conclusion ? Peut-être n’atteignait-il finalement pas une telle vitesse, sa longue foulée étant plutôt le résultat de l’usage de battements d’ailes pour aider à la propulsion. Un mode de déplacement qui éclairerait l’origine du vol battu chez les oiseaux – même si les microraptors n’appartiennent pas à la lignée de dinosaures qui a vu naître ces derniers.
Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs sont partis d’un outil emprunté à la mécanique des fluides : il s’agit d’une version du nombre de Froude qui exprime un rapport entre la vitesse d’un animal et la taille des membres censés le propulser, pour une force de pesanteur donnée. Dans le cas des traces de pas coréennes, le nombre de Froude estimé était de 238, presque deux fois plus que le guépard, l’animal terrestre le plus rapide, tandis que l’autruche est mesurée à 54 et l’humain à 15, et que les petits dinosaures plafonnent un peu au-dessus de nous.
« Une courte impulsion »
Un déplacement bipède du microraptor à 10,5 m/s ne semblait donc pas réaliste du point de vue biophysique – il aurait fallu une force musculaire des jambes inédite dans le règne animal. Or, on sait que les microraptors sont aussi dotés de membres antérieurs recouverts de plumes. En introduisant les ailes dans l’équation, « nous avons constaté que l’auteur des traces pouvait se déplacer à une vitesse beaucoup plus raisonnable (par exemple, environ 6 m/s) pour produire la piste observée, si sa course bénéficiait de l’assistance de ses ailes », explique Michael Pittman (Université chinoise de Hongkong).
Procédait-il par bonds suivis d’un semblant de vol plané ? « Ce qui est probable, s’il n’essayait pas de décoller, c’est que battre des ailes lui donnait une courte impulsion pour accélérer bien plus vite que sans ailes, peut-être pour échapper à des prédateurs », avance son coauteur Alexander Dececchi (université d’Etat du Dakota, Madison). Un comportement qui l’aurait mis sur une piste de décollage évolutive : à partir d’une certaine vitesse, les ailes généreraient une portance suffisante pour échapper à la gravité. « J’ai calculé qu’un spécimen plus gros – de l’ordre de 1 kg contre 25 g pour notre microraptor – pourrait s’envoler en battant des ailes à cette vitesse de 10 mètres par seconde », explique le chercheur. Pour des espèces de 10 à 15 kg, dont on sait qu’elles ne volaient ni ne planaient, battre des ailes pouvait donner un coup d’accélérateur de l’ordre de 10 % à 25 %.
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