La crise politique et sociale s’installe en Nouvelle-Calédonie, où les élus demandent à l’État un plan d’urgence de 4 milliards d’euros.
L’archipel s’enfonce également dans le marasme économique.
Au cœur des inquiétudes, l’industrie du nickel, l’une de ses principales ressources, mise à mal par la concurrence étrangère.
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Les violences et la grave politique qui touchent la Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai ébranlent l’économie de l’archipel. L’une des principales industries, le nickel, dont l’archipel possède un quart des réserves mondiales, est particulièrement touchée. La filière du « métal du diable », comme est surnommé le nickel sur l’île, est en crise. Fin juillet, le producteur de nickel Koniambo Nickel, l’un des trois implantés en Nouvelle-Calédonie, a annoncé jeter l’éponge.
Faute de repreneur d’ici la fin août, l’usine va devoir porter ses portes et licencier ses 1200 salariés. « Plus aucune production de ferronickel ne sort depuis le 29 février de nos fours », explique au 20H de TF1 Alexandre Rousseau, vice-président de Koniambo Nickel SAS. Le principal financier de l’usine, un industriel suisse, s’est retiré du capital, alors que le site affiche une dette abyssale de 14 milliards d’euros.
90 % des exportations de l’archipel
Le nickel, qui représente 90 % des exportations de la Nouvelle-Calédonie, et 25 % des emplois privés, peine depuis des années à être compétitif sur le plan mondial. « La difficulté majeure réside dans la concurrence indonésienne, notamment financée par les Chinois qui ont des coûts énergétiques très inférieurs aux nôtres, des coûts de main d’œuvre inférieurs et des réglementations environnementales moins strictes », regrette le vice-président.
Cette usine emblématique du nord de l’archipel a été mise en service en 2013, dans l’espoir de permettre le développement économique de cette province pauvre, aux trois quarts peuplée par des Kanaks. Et en 15 ans, la population de la ville la plus proche, Koné, a doublé. Des routes, une école et un hôpital ont été construits. Les tribus, qui vivaient de chasse et d’agriculture, ont bénéficié de ces nouveaux emplois industriels.
Sans l’usine, on ne vit pas, on n’a pas lieu d’être
Sans l’usine, on ne vit pas, on n’a pas lieu d’être
Gérant d’un hôtel
La fermeture de l’usine met en péril le fragile équilibre économique de la province. L’hôtel « Le Pacifik » en est un exemple criant : l’établissement hébergeait les cadres de l’usine venus de métropole ou de l’étranger. Désormais, toutes ses chambres sont vides. « Sans l’usine, on ne vit pas, on n’a pas lieu d’être puisqu’on n’a jamais réussi à développer le tourisme. On n’a pas d’activités capables de remplir un hôtel et un restaurant », déplore le gérant de l’établissement, Bruno Cazaubon.
La crise du nickel ne touche pas uniquement le nord. À Nouméa, une deuxième société, SLN, exploite le métal depuis près d’un siècle, dont l’État est actionnaire. Mais, depuis mi-mai, les accès à ses mines sont bloqués. « On essaye d’apporter cette pression par rapport au dégel du corps électoral », explique Laurent Meandu-Poveu, délégué de l’Union syndicale des travailleurs Kanaks et des exploités.
La réforme, proposée par le gouvernement, qui prévoit que les élections provinciales locales, actuellement réservées aux natifs et résidents arrivés avant 1998 et à leurs descendants, soient ouvertes aux personnes ayant au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie, est à l’origine des émeutes et de la crise politique qui secouent l’archipel.
Bloquer les mines de nickel signifie paralyser la principale activité économique de l’île. Pascal Naouna, chef d’entreprise et ancien président de l’Union calédonienne, qui dirige une société de transporteurs de nickel, a appelé tous ses chauffeurs à rester chez eux. « La question politique est prioritaire, ensuite vient l’économie », assume-t-il. « On n’a rien sans rien. »