La transition syrienne a reçu un soutien considérable avec la levée des sanctions des Etats-Unis, annoncée le 13 mai par Donald Trump, lors de sa tournée dans la péninsule Arabique. Le locataire de la Maison Blanche s’était gardé jusqu’à présent de s’exprimer sur le sujet. Il a surpris par son initiative, qui a provoqué la liesse en Syrie. Donald Trump a accompagné cette décision bienvenue, dans laquelle il faut voir l’influence du prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, d’un geste spectaculaire, s’agissant d’un président américain. Il a en effet rencontré à Riyad le président de transition syrien, Ahmed Al-Charaa, un djihadiste repenti autrefois lié à Al-Qaida.
Ce dernier avait déjà été reçu à l’Elysée par Emmanuel Macron, le 7 mai, au grand dam de responsables de la droite et de l’extrême droite restés des inconditionnels du dictateur déchu, Bachar Al-Assad, jusqu’à sa chute en décembre 2024, en dépit des atrocités avérées commises par ses sinistres services de sécurité pendant les années noires de la guerre civile syrienne. Il s’agit incontestablement d’un pari, compte tenu des défis immenses à relever et des doutes que le parcours du nouveau responsable syrien ne peut qu’alimenter. Le Proche-Orient a cependant tout à gagner à une stabilisation syrienne qui pourrait permettre par ailleurs le retour de millions d’exilés, notamment d’Europe.
La levée des sanctions américaines s’annonce délicate. La Syrie en a été la cible dès 1979, lorsque le pays avait été classé parmi ceux qui étaient accusés de soutenir le terrorisme. D’autres mesures s’y étaient ajoutées, en 2003, pour dénoncer notamment l’occupation syrienne du Liban, puis lors des premières années du soulèvement, pour punir les principales figures du régime, à commencer par Bachar Al-Assad. La révélation de l’horreur de la répression, grâce aux documents fournis par un transfuge, avait enfin entraîné, en 2019, l’adoption par le Congrès de sanctions encore plus draconiennes, renouvelées en décembre 2024, auxquelles le gouvernement de transition ne cessait de se heurter.
Les « sanctions secondaires » américaines empêchaient dans les faits toute aide et tout investissement extérieurs dans un pays exsangue, ruiné par la guerre civile après avoir été pillé par la dynastie Assad et ses affidés. 90 % de la population s’y trouve aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Le maintien de ces sanctions condamnait Ahmed Al-Charaa à l’échec. La levée ou la suspension d’un nombre significatif d’entre elles lui redonne un espoir, comme à l’ensemble de la population syrienne, même si cet allégement laisse entière la question des violences intercommunautaires auxquelles les autorités doivent mettre un terme si elles ne veulent pas perdre tout crédit international.
La protection de toutes les minorités, qu’il s’agisse des alaouites ou des Druzes, les dernières victimes en date de ces violences, doit permettre d’empêcher que des acteurs extérieurs interfèrent dans cette transition délicate en se présentant comme leurs protecteurs. Israël a revendiqué ce rôle auprès des Druzes pour justifier des interventions militaires incessantes, gages d’instabilité. L’ancien nom de guerre du président syrien par intérim, « Al-Joulani », rappelle par ailleurs que le sort du plateau syrien du Golan, conquis militairement et annexé unilatéralement par l’Etat hébreu, reste un obstacle majeur à la perspective avancée par Donald Trump, à Riyad, d’une normalisation entre les deux pays.