Lucio Fontana (1899-1968) a inventé la toile monochrome fendue d’une ou de plusieurs incisions, droites ou légèrement obliques ou courbes. Les premières de ces « fentes », comme on les désigne généralement, alors que la dénomination voulue par l’artiste est Concetto spaziale (« concept spatial »), sont apparues en 1958. Après avoir d’abord suscité incompréhension et railleries, elles sont devenues si célèbres qu’elles ont souvent éclipsé ce qui les a précédées et ce que Fontana expérimentait par ailleurs. Il y en a quelques-unes dans l’exposition Fontana qui se tient au Musée Soulages, à Rodez, mais celle-ci s’applique à donner une vision bien plus variée de l’œuvre et donc plus juste. Non qu’elle soit immense, car les dimensions de l’espace qui la reçoit ne le permettraient pas : elle rassemble moins d’une centaine de pièces, mais de toutes les techniques que l’artiste a pratiquées successivement ou simultanément.
Il y a là des dessins ; des peintures, avec ou sans incisions ou perforations et avec ou sans fragments de verre coloré ; des céramiques ; un néon et un environnement lumineux créé en 1967 pour une galerie génoise. Ils ont été prêtés principalement par des musées français et italiens, par la Fondation Lucio Fontana, à Milan, et la galerie Tornabuoni Art, ce qui fait un mixte d’œuvres connues et inconnues.
Ce n’est pas vraiment une rétrospective, car il aurait fallu, dans ce cas, un plus grand nombre de ses œuvres de l’entre-deux-guerres, qui est sa deuxième période italienne. La vie de Fontana se partage, en effet, entre Argentine et Italie. Il naît en 1899 à Rosario, en Argentine, d’un père sculpteur formé à Milan et d’une modèle, fille d’un graveur suisse. De 1906 à 1921, il est, en Italie, élève à Varèse et à Milan, volontaire pendant la première guerre mondiale, puis étudiant à Turin. De retour à Rosario, il y ouvre un atelier de sculpture, mais se sent à l’étroit, trop loin de l’Europe des avant-gardes. En 1927, il est donc de retour à Milan et se met véritablement au travail. Mais c’est alors aussi que se déploie son éclectisme stylistique.
Styles contradictoires
L’exposition en donne une idée partielle, car il manque des exemples du néoclassicisme héroïque proche de celui qu’aime le fascisme, dont l’artiste se déclare alors un partisan de la première heure, fervent admirateur de Mussolini. Mais on y trouve, contemporains les uns des autres, une tête féminine dorée d’allure byzantine ou médiévale ; des morceaux de virtuosité baroque en volutes de terre cuite émaillée ; des plaquettes de terre gravées de signes qui évoquent autant Babylone que Miro ; des structures géométriques abstraites de fer, des dessins de nus à la manière de Henry Moore (1898-1986) et de Georges Braque (1882-1963) et encore des natures mortes de céramique au réalisme simplifié.
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