Le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez est confronté en cette rentrée à une hausse spectaculaire des arrivées de migrants clandestins, principalement dans l’archipel des Canaries, qui se sent abandonné par Madrid et l’Europe. Pas un jour ne passe sans que les services de secours ne signalent l’arrivée d’une embarcation de fortune transportant des dizaines de migrants dans l’une des îles des Canaries, situées au large des côtes nord-ouest du continent africain.
A tel point que Pedro Sanchez a décidé d’effectuer, du mardi 27 au jeudi 29 août, une tournée dans trois pays d’Afrique de l’Ouest qui ont un rôle central dans ce domaine : la Mauritanie, la Gambie et le Sénégal. La Mauritanie est devenue ces derniers mois le principal point de départ des migrants. Selon une source de la présidence du gouvernement espagnol, ce pays abrite actuellement quelque 200 000 réfugiés victimes de l’instabilité au Sahel, dont de très nombreux Maliens, qui sont des candidats potentiels à un départ vers les Canaries.
On ne connaît pas la valeur totale des accords qui seront signés avec ces pays – notamment la Mauritanie, où Pedro Sanchez s’était déjà rendu en février – pour les aider et les inciter à redoubler d’efforts afin d’empêcher ces départs.
Le président du gouvernement régional des Canaries, Fernando Clavijo, a exhorté l’Union européenne (UE), vendredi, à prendre ses responsabilités « afin que les Canaries n’aient pas à supporter seules toute la pression migratoire de l’Europe », parce que ces migrants « arrivent en Europe, en Espagne, et pas seulement aux Canaries ». De fait, les Canaries, et plus généralement l’Espagne, ne sont souvent qu’une étape sur la route d’autres pays européens, au premier rang desquels la France.
Entre le 1er janvier et le 15 août, 22 304 migrants sont arrivés aux Canaries, contre 9 864 pour la même période en 2023, soit une augmentation de 126 %. Pour l’ensemble de l’Espagne, la hausse est de 66 % (de 18 745 à 31 155). De plus, cette tendance à la hausse est appelée à s’accentuer d’ici à la fin de l’année en raison de l’amélioration attendue des conditions de navigation dans cette zone de l’Atlantique.
Le chiffre record de 39 910 arrivées enregistré l’an dernier sera donc probablement pulvérisé, confirmant que cette route de l’Atlantique vers les Canaries est devenue la voie d’accès principale des migrants vers l’Espagne, malgré son extrême dangerosité, qui provoque chaque année la mort de milliers d’entre eux.
Le problème des mineurs non accompagnés
L’arrivée des premiers migrants dans l’archipel remonte à août 1994. Mais les Canaries ne sont pas la seule région du sud de d’Espagne affectée par ce phénomène. La petite ville de Ceuta, une enclave espagnole sur la côte nord du Maroc, enregistre également depuis quelques semaines une forte hausse des arrivées. Ceuta est l’une des deux seules frontières terrestres de l’UE avec le continent africain – l’autre étant Melilla, une autre enclave espagnole plus à l’est.
Pour ces régions, le problème le plus pressant est celui des migrants mineurs arrivant seuls, connus en Espagne sous le terme de « MENA » (mineurs étrangers non accompagnés), leur situation ayant des implications de politique intérieure majeures. Car si les migrants adultes relèvent de la compétence financière de l’Etat central, ceux ayant moins de 18 ans, en revanche, sont de la responsabilité exclusive des régions.
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Les régions espagnoles situées en première ligne sont donc complètement débordées face à l’explosion du nombre de migrants mineurs qu’elles doivent prendre en charge. Aux Canaries, le gouvernement régional doit actuellement subvenir aux besoins de 5 100 mineurs étrangers, alors que la capacité de ses centres d’accueil n’est que de 2 000 personnes. La situation est similaire à Ceuta.
L’archipel des Canaries est « sur le point de s’effondrer », a lancé Fernando Clavijo dans une interview publiée lundi par le quotidien El Mundo, craignant « une catastrophe » cet automne et envisageant même que le nombre des arrivées puisse atteindre 50 000 cette année.
Pour résoudre ce problème, le gouvernement de Pedro Sanchez a essayé de faire voter en juillet par le Parlement une modification de la loi sur l’immigration afin de donner au gouvernement central le droit de répartir les mineurs étrangers entre toutes les régions du pays. Mais le Parti populaire (droite), Vox (extrême droite) et le parti indépendantiste catalan de Carles Puigdemont, qui prônent un durcissement de la politique contre l’immigration clandestine, ont empêché toute discussion du texte.
Pour l’heure, le gouvernement des Canaries est donc livré à lui-même et se sent abandonné face à un phénomène qui le dépasse et qui va encore s’aggraver. « On ne peut pas mettre des murs à l’océan », résume, fataliste, Fernando Clavijo dans l’interview à El Mundo.