Plus de trois mois après son dépôt au Parlement, le projet de budget de l’Etat pour 2025 a enfin franchi l’étape du Sénat, jeudi 23 janvier, un premier pas pour le gouvernement Bayrou, qui cherche encore à négocier sa survie avec les socialistes, toujours très remontés.
Lancé par Michel Barnier au mois d’octobre 2024, rejeté par l’Assemblée nationale en première lecture, suspendu après la censure de l’ex-premier ministre et finalement repris par François Bayrou, ce projet de loi de finances a été adopté à 217 voix contre 105. L’alliance de la droite et des centristes, majoritaire, soutien du gouvernement, a voté en sa faveur, contrairement à la totalité de la gauche, y compris le groupe socialiste, pour qui « le compte n’y est pas ».
Pour le gouvernement, le plus dur commence, avec la convocation, le 30 janvier, d’une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept sénateurs et de sept députés, chargée d’aboutir à un texte de compromis. Ce sera l’une des dernières occasions de faire des concessions susceptibles de faire passer au texte l’épreuve de la censure.
Le ministre des finances a sonné l’alarme
Crucial pour l’Etat, qui tourne actuellement au ralenti, sous le régime exceptionnel d’une loi spéciale votée à la fin de l’année dernière, le budget représente une équation quasi insoluble pour l’exécutif, privé de majorité absolue à l’Assemblée nationale mais sommé par Bruxelles de redresser les finances publiques.
Si le gouvernement espère pouvoir promulguer le budget avant la fin du mois de février, l’opposition de la gauche reste très vive : le Parti socialiste (PS) n’a pas voté la première motion de censure visant le premier ministre, François Bayrou, mais il accentue la pression sur les textes budgétaires. C’est « un budget d’austérité qui cherche dans les poches de ceux qui n’ont pas créé le problème », a lancé le chef de file des sénateurs socialistes sur le budget, Thierry Cozic. « Ne pensez pas que notre clémence se fera automatiquement », a-t-il ajouté à l’attention du ministre de l’économie, Eric Lombard, en l’appelant à faire de nouvelles concessions pour éviter la censure.
Un peu plus tôt, le locataire de Bercy avait déjà sonné l’alarme devant les acteurs économiques : « Le coût d’une censure est plus élevé encore » que celui des concessions accordées au PS, comme la renégociation de la réforme des retraites et le renoncement aux suppressions de 4 000 postes d’enseignants, a-t-il avancé.
Tractations périlleuses
En parallèle, les négociations continuent : une délégation socialiste a été reçue à Bercy mercredi soir, a appris l’Agence France-Presse (AFP) de sources parlementaires. Les tractations sont périlleuses, car l’exécutif vise un effort massif pour atteindre 32 milliards d’euros d’économies et 21 milliards d’euros de recettes, afin de ramener le déficit public à 5,4 % du PIB en 2025, contre un niveau attendu entre 6 et 6,1 % pour 2024.
L’exercice est d’autant plus périlleux que la droite, majoritaire au Sénat et décisive à l’Assemblée nationale, et qui n’entend pas se laisser voler la vedette, craint de nouvelles hausses d’impôts cédées aux socialistes. « Ce n’est ni le budget de Gabriel Attal, ni celui de Michel Barnier, ni celui de François Bayrou, c’est le budget du Sénat, un budget responsable », qui marque « le début d’un long chemin vers le redressement de nos finances publiques », a affirmé la cheffe de file du groupe Les Republicains sur le projet de loi de finances, Christine Lavarde.
Newsletter
« Politique »
Chaque semaine, « Le Monde » analyse pour vous les enjeux de l’actualité politique
S’inscrire
Par ailleurs, la copie sénatoriale passera-t-elle le filtre de l’Assemblée nationale ? Si la CMP est conclusive, les députés seront saisis du texte commun dans la semaine du 3 février pour un ultime vote… L’article 49.3 pourrait être utilisé, et serait sans doute suivi d’une nouvelle motion de censure. « La CMP sera le juge de paix. D’ici au 30 janvier, il y a la possibilité de faire bouger les lignes », assume auprès de l’AFP le président des sénateurs socialistes, Patrick Kanner.
Cela étant, le PS est aussi mis sous pression par ses partenaires : les « insoumis » estiment que le parti à la rose « romprait définitivement » avec le Nouveau Front populaire s’il ne votait pas la censure sur le budget. Particulièrement ciblées par la gauche, les multiples coupes budgétaires ajoutées ces derniers jours par le gouvernement Bayrou : des centaines de millions d’euros en moins pour l’écologie, le logement, l’aide au développement ou le sport… « On va voter la censure et on va le faire savoir très fortement », a menacé la secrétaire nationale des Ecologistes, Marine Tondelier, « en colère » face au « sacrifice de l’écologie ».