Le sprint législatif lancé par l’exécutif pour parvenir à l’adoption définitive du projet de loi d’orientation agricole avant le début du Salon de l’agriculture touche à sa fin.
Largement adopté à l’Assemblée mercredi avec les voix macronistes, de la droite et du Rassemblement national, le texte issu d’un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire (CMP) a été définitivement validé au Sénat jeudi 20 février. La chambre haute, dominée par la droite et le centre, l’a approuvé à 236 voix contre 103, offrant un atout dans la main de l’exécutif qui se sait attendu au tournant par la profession au « Salon », après les manifestations agricoles des années passées.
Samedi, le président Emmanuel Macron effectuera sa traditionnelle déambulation dans les allées de la plus grande ferme de France.
La ministre de l’agriculture, Annie Genevard, a défendu, mercredi, « un texte très attendu » et « une réponse forte aux demandes de nos agriculteurs ». C’est un « texte nécessaire », même s’il a « perd[u] une partie de son ambition initiale », a souligné le syndicat Jeunes Agriculteurs. C’est un texte « insuffisant » mais « nécessaire pour aider nos filières à relever la tête », a jugé la députée (Rassemblement national) de Lot-et-Garonne Hélène Laporte.
Constat inverse pour Cyrielle Chatelain, la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée. « On est passé d’un texte sans ambition à un texte de régression environnementale majeure », s’est-elle alarmée devant la presse parlementaire. Son groupe dénonce un texte qui ne répond pas « à la principale colère des agriculteurs : la faiblesse de leurs revenus ».
« L’agriculture méritait mieux, il n’y a pas de loi d’orientation tous les quatre matins », a critiqué Aurélie Trouvé (La France insoumise, Seine-Saint-Denis), présidente de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
« On venait de très loin »
La gauche fustige une version trop marquée par « une chape de plomb » du Sénat, qui a durci le texte, selon André Chassaigne (Puy-de-Dôme), président du groupe Gauche démocrate et républicaine au Palais-Bourbon.
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Dans le viseur de la gauche, un article très irritant, nettement étendu à l’initiative du Sénat, qui révise l’échelle des peines en cas d’atteintes à l’environnement. Il prévoit une dépénalisation de ces infractions lorsqu’elles ne sont pas commises « de manière intentionnelle », au profit d’une simple amende administrative de 450 euros au maximum ou du suivi d’un stage de sensibilisation.
C’est « une loi qui coupe à la tronçonneuse des protections environnementales durement acquises », a estimé Aurélie Trouvé. « En aucune manière, ce texte n’accorde à nos agriculteurs je ne sais quel permis de détruire des espèces ou espaces protégés », a répondu la ministre.
Une autre mesure inquiète la gauche et les écologistes, celle qui invite le gouvernement à « s’abstenir d’interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne » en l’absence d’autres solutions viables. Une forme de traduction du principe « pas d’interdiction sans solution », mantra de la FNSEA au sujet des pesticides.
« Malgré des avancées », la loi d’orientation agricole « marque une inquiétante régression environnementale », a réagi l’association Agir pour l’environnement.
« On venait de très loin. Et on est arrivés à un texte de compromis », défend, au contraire, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Pascal Lecamp (MoDem, Vienne). « Il est faux d’affirmer que le Sénat a imposé ses vues », insiste-t-il, défendant, par exemple, le retour dans le texte de l’objectif de consacrer 21 % de la surface agricole au bio en 2030.
Un moment « trumpien », selon le député PS Dominique Potier
Quant à la mesure phare du texte, elle prévoit d’ériger l’agriculture au rang « d’intérêt général majeur ». L’objectif affiché est de nourrir la réflexion du juge administratif et de faciliter le parcours de projets de structures de retenues d’eau ou de bâtiments d’élevage hors-sol lorsqu’ils sont en balance avec un objectif de préservation de l’environnement. Mais des élus et des juristes doutent de sa portée face à une protection de l’environnement à valeur constitutionnelle. En réponse, le Sénat a introduit un principe décrié de « non-régression de la souveraineté alimentaire », sorte de miroir de la non-régression environnementale, déjà consacrée, ce qui promet déjà une querelle juridique.
Le texte accorde aussi une présomption d’urgence en cas de contentieux autour de la construction d’une réserve d’eau pour l’irrigation, espérant réduire les délais des procédures. Et les parlementaires ont fait un pas vers un « droit à l’erreur » des agriculteurs, en approuvant le fait que « la bonne foi » est « présumée » lors d’un contrôle.
« Nous sommes face à un mur climatique, face à une falaise démographique. Sur aucun de ces deux sujets la loi n’apporte le moindre début de solution », a tancé Dominique Potier (Parti socialiste, Meurthe-et-Moselle), évoquant un moment « trumpien ».
Le projet de loi éclectique prévoit aussi une simplification de la législation sur les haies ou encore la mise en place d’un guichet unique départemental (France services agriculture) pour faciliter les installations de nouveaux agriculteurs ou les aider à céder leur exploitation.