Dans L’Afrique fantôme (Gallimard, 1934), journal de bord de la mission scientifique Dakar-Djibouti menée par la France en Afrique entre 1931 et 1933, l’écrivain Michel Leiris exprimait son amertume d’avoir participé à un sacrilège, une rafle en bonne et due forme sous couvert scientifique. Derrière « l’urgence de sauvegarder les traces de cultures qui disparaissent au contact des colons et du monde moderne », selon les mots de l’ethnologue Marcel Griaule, qui pilotait l’expédition, tous les moyens furent bons pour extorquer les 3 200 objets méthodiquement expédiés à chaque étape au Musée d’ethnographie du Trocadéro, ancêtre du Musée de l’homme, à Paris.
Ce butin se trouve aujourd’hui au Musée du quai Branly-Jacques-Chirac, qui l’expose partiellement au public à partir du 15 avril. Avec une originalité : les objets ont été réexaminés par des spécialistes africains. En 2020, l’établissement parisien décide de se lancer dans une « contre-enquête », à la manière de l’écrivain Kamel Daoud, qui, dans Meursault, contre-enquête (Actes Sud, 2014), procure un nom, une identité et presque une voix à l’Arabe assassiné dans L’Etranger (1942), de Camus.
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