Lors du discours de Marine Le Pen, un cri jaillit des bancs de La France insoumise : « C’est la Saint-Valentin ! » Une formule ironique pour moquer le ton aimable employé par la cheffe de file des députés du Rassemblement national (RN), en réponse à la déclaration de politique générale du premier ministre, Michel Barnier, mardi 1er octobre, à l’Assemblée nationale.
Le temps d’un après-midi, la dirigeante d’extrême droite avait ôté le costume de prévenue qu’elle est contrainte de porter depuis lundi, dans le procès pour détournement de fonds publics qui vise son parti, pour enfiler sa veste blanche de présidente du premier groupe à l’Assemblée. Bras croisés, martyrisant son stylo et durcissant son propre discours à mesure que le chef du gouvernement déroulait le sien, elle n’a jamais manifesté le moindre agacement. Et pu goûter les multiples allusions de la gauche au coup de téléphone que lui avait passé Michel Barnier, le 24 septembre, pour s’excuser des propos tenus par son ministre de l’économie, Antoine Armand – la mise en exergue du rôle d’arbitre du RN sonne particulièrement doux à ses oreilles.
A l’occasion de son discours à la tribune, le premier ministre a effectué plusieurs œillades à l’extrême droite de l’Hémicycle. Certes vague et moins radical que le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, il a formulé plusieurs propositions en matière de justice ou d’immigration, susceptibles d’être bien vues au RN : la volonté de « limiter » les possibilités d’aménagement des peines, pour que celles-ci soient exécutées ; celle d’atténuer l’« excuse de minorité » ; de renforcer l’agence européenne de garde-frontières (Frontex). Il a également fait une allusion à une possible remise en question de l’accord de 1968, facilitant l’entrée des Algériens en France.
« Amabilité incontestable »
Face au locataire de Matignon qui a ouvert de nombreuses portes, Marine Le Pen a pris soin de n’en fermer aucune, adaptant son discours à celui de Michel Barnier. Cela ressemblait à un dialogue, et « c’était le but », confirme Jean-Philippe Tanguy. Le président délégué du groupe RN ajoute, l’œil gourmand : « Pourquoi voulez-vous que l’on refuse cette main tendue à détruire le barrage républicain ? »
Pour la première fois, Marine Le Pen a énoncé les conditions qui conduiraient ses troupes à ne pas censurer le premier ministre. Sans surprise, le dépôt d’une loi sur l’immigration, « au premier trimestre 2025 », en fait partie. Aux yeux de la dirigeante du RN, elle devrait inclure les mesures de la loi portée par le gouvernement d’Elisabeth Borne et censurées par le Conseil constitutionnel en janvier, notamment celles instaurant une forme de préférence nationale. L’une des trois exigences de Marine Le Pen, pour trois temps d’un mandat qui n’excédera pas, dans son esprit, neuf mois.
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