Le Sénat a adopté, mardi 18 février, une proposition de loi de la droite pour interdire le port de signes religieux, et notamment le voile, dans l’ensemble des compétitions sportives y compris au niveau amateur, avec un soutien appuyé du gouvernement. Ce faisant, l’exécutif a esquissé mardi un changement de cap dans ce débat sensible, vivement critiqué à gauche.
Proscrit par certaines fédérations sportives comme celle de football, autorisé par d’autres comme celle de handball, le port du voile divise depuis plusieurs années le sport français. Un sujet épineux sur lequel les précédents gouvernements sont restés prudents en repoussant plusieurs initiatives similaires provenant déjà de la droite sénatoriale.
Mais un signe d’ouverture s’est dessiné, mardi, au Palais du Luxembourg avec un soutien très clair de l’exécutif à une proposition de loi du sénateur Les Républicains (LR) de l’Isère, Michel Savin, qui propose d’interdire le port de signes religieux, et notamment le voile, dans l’ensemble des compétitions sportives, y compris au niveau amateur. Le texte a été voté à 210 voix contre 81 à la Chambre haute, dominée par une alliance de la droite et du centre.
« Sanctuariser le domaine sportif »
Ce texte, « que le gouvernement soutient avec force, apporte une pierre bienvenue dans l’édifice qu’ensemble nous devons construire depuis des années contre toutes les formes de séparatisme », a lancé François-Noël Buffet, ministre issu lui aussi de LR et proche du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau.
La ministre des sports, Marie Barsacq, était absente, retenue à Lyon pour le lancement du comité d’organisation des Jeux olympiques des Alpes-2030.
Dans le détail, le texte de la droite affirme dans le code du sport que « le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est interdit » lors des « compétitions départementales, régionales et nationales » organisées par les fédérations sportives « délégataires de service public ».
« Après nos écoles, ce sont maintenant des enceintes sportives qui assistent, impuissantes, aux tentations communautaristes. Il est temps de sanctuariser le domaine sportif où la neutralité s’impose et de réaffirmer haut et fort que la République l’emporte sur la loi religieuse », a insisté Michel Savin.
Tensions au Palais du Luxembourg
Les débats ont réveillé d’importants clivages partisans, dans un climat de tension assez rare au Palais du Luxembourg. De nombreux sénateurs de gauche ont multiplié les prises de parole pour dénoncer l’initiative, craignant « une atteinte à la loi de 1905 » sur la laïcité, qui fête ses 120 ans cette année, et la « stigmatisation » des sportives de confession musulmane.
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« En utilisant ce principe fondateur pour servir votre récit antimusulman, vous ne faites que nourrir les confusions, les approximations et les stéréotypes », a lancé le président des sénateurs socialistes, Patrick Kanner, aux sénateurs LR.
L’écologiste Mathilde Ollivier a, elle, accusé la droite de « viser directement, frontalement, lâchement, des femmes de confession musulmane de notre pays » en vue de les « exclure » de la pratique du sport. « Entre le hijab et le burkini, et le sport, il faut choisir », a rétorqué la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio.
Incompréhension à l’étranger
Ce débat, qui expose régulièrement la France à l’incompréhension dans de nombreux pays, avait été mis sous les feux des projecteurs au moment des Jeux olympiques : au nom de la défense de la laïcité, le port du voile avait été proscrit pour les sportives françaises sélectionnées. L’athlète française Sounkamba Sylla n’avait pu participer à la cérémonie d’ouverture qu’après un compromis, troquant son foulard pour une casquette.
Un amendement de la droite, voté au Sénat, a également élargi cette interdiction aux sportifs sélectionnés en équipe nationale.
La proposition de loi, qui attend désormais sa transmission à l’Assemblée nationale, contient d’autres mesures comme l’interdiction d’utiliser des gymnases ou terrains de sport des collectivités territoriales pour « l’exercice d’un culte », comme salle de prière. Elle impose aussi aux règlements intérieurs des piscines de prohiber le port de tenues susceptibles de « contrevenir » aux principes de « neutralité des services publics » et de laïcité. Cette disposition fait écho à une décision du Conseil d’Etat, qui avait fermé la porte en 2022 au burkini dans les piscines municipales de Grenoble.