Sous la Ve République, pas plus d’une cinquantaine de ministres étaient sénateurs lorsqu’ils ont été nommés au gouvernement. Alors neuf nominations d’un coup, ça se voit. Au total, plus d’un quart de la nouvelle équipe autour de Michel Barnier est rattaché au Sénat (10/39) : du jamais-vu et de loin. Mais l’inédit statistique n’est qu’un indice de l’inédit politique : si le gouvernement Barnier est minoritaire à l’Assemblée nationale, c’est au Sénat qu’il trouve une majorité absolue avec 229 voix de la droite et du centre sur 348.
Ce débarquement acte le passage de la majorité sénatoriale de l’opposition à un soutien affiché à l’exécutif mi-droite, mi-macroniste de M. Barnier. Une première depuis 2011, qui se traduit par la présence de personnalités éminentes du Palais du Luxembourg telles que Bruno Retailleau, le chef de file des 131 sénateurs Les Républicains (LR), tout juste nommé au ministère de l’intérieur. François-Noël Buffet (LR, Rhône), aux outre-mer, président de la commission des lois aux outre-mer, et la vice-présidente du Sénat, Sophie Primas (LR, Yvelines), au commerce, proche de Gérard Larcher, sont aussi des cadres.
Agnès Canayer (LR, Seine-Maritime), à la famille, fut adjointe au maire d’Edouard Philippe, au Havre. Marie-Claire Carrère-Gée (LR, Paris), qui a dirigé la campagne de M. Barnier lors de la primaire LR en 2021, doit coordonner le gouvernement. Laurence Garnier (LR, Loire-Atlantique), à la consommation, était poussée par Bruno Retailleau. Parmi toutes ces nuances de la droite sénatoriale, figure une centriste : la sénatrice d’Ille-et-Vilaine Françoise Gatel (UDI), nommée à la ruralité. Quand le sénateur macroniste de Mayotte Thani Mohamed Soilihi a été choisi pour la francophonie. La sénatrice de Gironde, secrétaire générale du Parti radical, Nathalie Delattre, s’installe au ministère des relations avec le Parlement, malgré son faible réseau parmi les députés.
Une danse entamée il y a deux ans
Derrière l’entrée massive des sénateurs dans l’exécutif Barnier, certains imaginent sans peine la main du président LR du Sénat. « Gérard Larcher a été le faiseur de rois, estime le président du groupe Parti socialiste (PS) au Sénat, Patrick Kanner. Je n’imagine pas un seul instant qu’il n’ait pas eu son mot à dire sur qui est entré dans le gouvernement. Il avait envie que le Sénat soit reconnu. »
Régulièrement cité parmi les potentiels premiers ministrables d’Emmanuel Macron, le deuxième personnage de l’Etat pousse, depuis plusieurs mois, pour que sa famille politique impose à Matignon un premier ministre et une politique de droite. Le refus du président de la République, fin août, de nommer la candidate du Nouveau Front populaire à Matignon, Lucie Castets, lui a offert l’ultime opportunité de convaincre les siens d’une alliance.
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