Le pouvoir français demande à la population d’adhérer à un effort de défense, aux militaires et aux industriels concernés de le préparer, aux diplomates de le faire comprendre – voire partager – à l’étranger, et aux parlementaires d’en voter le budget. Le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard [remplacé par Fabien Mandon, annoncé le 23 juillet], l’a expliqué le 25 juin à l’Assemblée nationale : le monde entier est affecté par des conflits armés à une échelle inédite depuis longtemps ; la France est confrontée à des menaces « hybrides », les plus importantes en provenance de Russie : cyberattaques, espionnage, sabotage, désinformation, etc.
Il s’agit, dès lors, de « rester capable de faire face à toute forme de conflit », y compris un affrontement guerrier avec la Russie, qui désigne la France comme « son principal adversaire », le chef d’état-major des armées l’a rappelé [lors d’une conférence de presse, vendredi 11 juillet]. Mais sous quelle forme si, comme il dit, nous ne sommes pas menacés « de se faire attaquer directement et lourdement sur le territoire national » ?
Le pouvoir récuse l’hypothèse d’une offensive massive de la Russie sur le sol français, mais il en dramatise la perspective. Le danger, au-delà de l’infraguerre « hybride » déjà engagée, ne serait-il pas une véritable guerre, une invasion, une occupation ? Et quid du nucléaire, au recours peu vraisemblable – mais Moscou parle de nucléaire « tactique » ? Pour mobiliser la société, le thème de la guerre hybride est insuffisant ; il s’y prête mal. Ce n’est pas en refusant la désinformation, l’espionnage, les cyberattaques que l’on peut préparer les esprits à une vraie guerre, à une menace existentielle pour la nation. Il faut être plus démonstratif.
Pour le Kremlin, notre pays pourrait être tenu pour un cobelligérant en Ukraine. Notre engagement concernerait alors non pas tant ou directement notre Etat-nation et notre intégrité territoriale que l’Ukraine, dans l’immédiat, et éventuellement d’autres pays de l’ex-Empire soviétique et de son glacis. Une véritable guerre menace parce qu’il y a solidarité de la France et de l’Europe pour préserver le camp démocratique, l’Etat de droit, les libertés et pour refuser l’autoritarisme.
Il vous reste 63.04% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.