- Entre 20% et 30% des bâtiments scolaires sont « vétustes » et « inadaptés » aux aléas climatiques extrêmes, révèle un rapport de l’Alliance écologique et sociale (AES) publié ce vendredi 5 septembre.
- Par ailleurs, ces édifices représenteraient environ 12% de la consommation d’énergie du secteur public et seraient à l’origine de 1,5% des émissions de gaz à effet de serre de la France.
Ces dernières années, nombreux sont ceux qui évoquent une école – et un système éducatif plus largement – en crise. Mais un aspect est peu souvent évoqué, à savoir les conditions dans lesquelles les élèves travaillent. Et à ce titre, le dernier rapport de l’Alliance écologique et sociale (AES) est édifiant.
Il plante le décor d’entrée en jugeant qu’il faudrait « investir a minima 50 milliards d’euros sur dix ans pour respecter les objectifs de rénovation énergétique du décret tertiaire pour les seules écoles publiques »
.
Cela fait référence au décret du 23 juillet 2019 fixant comme objectif la réduction de 40% de la consommation d’énergie des bâtiments tertiaires de plus de 1000 m² ; ce qui inclut la majorité des collèges, des lycées et les groupes scolaires importants (maternelle-élémentaire, cités scolaires…), avant 2030.
« 10% du parc présenterait un état de vétusté important »
Concrètement, selon le collectif qui rassemble les ONG Greenpeace, Oxfam, les syndicats CGT Éducation et Snes-FSU notamment, le problème est aussi bien celui de la vétusté, que l’inadéquation aux aléas climatiques extrêmes, lesquels vont devenir de plus en plus fréquents avec le changement climatique. « 80% des écoles primaires datent de la période de reconstruction massive des écoles entre 1950 et 1975. Deux tiers des cités scolaires et la moitié des lycées ont été construits avant 1970, 55% des collèges avant 1980 »
, rappelle-t-il.
Tant et si bien que, si l’on s’appuie sur les données de l’Éducation nationale en la matière, « 10% du parc présenterait un état de vétusté important, d’après plusieurs critères, en lien avec la sécurité et la sûreté des lieux, l’hygiène et, enfin, l’enveloppe du bâtiment »
. De même, à en croire l’Observatoire des bâtiments basse consommation, la proportion de bâtiments scolaires répondant aux normes basse consommation n’est que de 14%.
92 % des personnels de direction ont été alertés sur des problèmes d’isolation thermique
92 % des personnels de direction ont été alertés sur des problèmes d’isolation thermique
Cnesco
En y regardant de plus près, la situation est même, certainement, encore plus préoccupante. « Selon le Cnesco (Centre national d’étude des systèmes scolaires), 92% des personnels de direction ont été alertés par les équipes ou les élèves sur des problèmes d’isolation thermique »
, expose ainsi l’étude. Une enquête syndicale menée entre 2023 et 2024 dans le second degré, au plus près du terrain, conclut, de son côté, que 29% des établissements (sur 633 interrogés) se trouveraient dans un état dégradé, qu’il soit complètement vétuste ou en mauvais état, 38 % seraient passables et seulement 32% jugés en bon état.
Parmi les défauts les plus régulièrement mis en avant figurent la mauvaise isolation thermique ou encore la présence de moisissures. Dans 43% des structures interrogées, des défauts d’aération sont observés, de quoi alerter les autorités publiques lorsque l’on sait que, selon Santé Publique France, la dégradation de la qualité de l’air intérieur des établissements scolaires entraîne des effets néfastes pour la santé.
Notre bâti scolaire date des années 80 et n’est pas adapté
Notre bâti scolaire date des années 80 et n’est pas adapté
Un directeur d’école dans le sud-ouest
AES a collecté de multiples témoignages pour illustrer ces problèmes dont les conséquences vont se faire de plus en plus sentir au fil des années. « On a beaucoup souffert sur la première période caniculaire de juillet, notre bâti scolaire date des années 80 et n’est pas adapté, avec une cour très bétonnée »
, raconte à l’AFP Philippe, un directeur d’école dans le sud-ouest.
« Nous n’avons nulle part de rideaux ou volets extérieurs. Quand il fait chaud, le soleil tape jusqu’à 22h. Pendant les journées de canicule, j’étais à l’école dès 6h du matin, il faisait déjà 32 à 34 degrés dans les classes. On ouvrait les fenêtres pour que la température redescende à 28 degrés pour l’arrivée des élèves à 8h30 »
, poursuit-il.
Le sujet des infiltrations et de la moisissure est tout aussi récurrent. Dans une école élémentaire de Metz, « le toit fuit depuis au moins cinq ans (moisissures, chute de faux plafond, chute de pierres…) et rien n’est fait, car de très gros travaux (sont) visiblement (nécessaires) »
. Même chose du côté d’une école primaire à Saint-Louis, à la Réunion, où des « problèmes de fuites et d’infiltration dans les salles »
sont recensés, et où des « morceaux de plâtre et de ciment tombent des plafonds sur les élèves ».
D’ailleurs, les écoles d’outre-mer sont « souvent également dans un état lamentable »
, note le rapport. « Aux retards d’investissements dans le bâti s’ajoutent les coupures d’eau qui sont devenues systématiques dans plusieurs territoires et contraignent régulièrement les écoles à fermer »
, souligne-t-il.
Des mesures à prendre « d’urgence »
Pour tenter de rectifier le tir, l’Alliance écologique et sociale demande « d’urgence »
au gouvernement la création d’un observatoire du bâti scolaire pour dresser un constat « établissement par établissement »
, assorti d’un protocole « clair et à la hauteur »
à appliquer lors de canicules ou autres événements climatiques.
En parallèle, la rénovation de nombre d’édifices est plus que jamais nécessaire afin « d’améliorer l’isolation »
, « d’optimiser la circulation et la qualité de l’air intérieur »
, « de privilégier l’utilisation de matériaux biosourcés »
et de « permettre le désamiantage et la dépollution »
. Dans l’idéal, ces travaux doivent permettre de « substituer des chauffages décarbonés et performants aux systèmes de chauffage fossiles (fioul, gaz) »
.
Dans le même temps, il est préconisé de « généraliser l’installation de volets et de brise-soleil extérieurs afin de limiter l’exposition directe des façades au soleil »
, de multiplier le recours aux « brasseurs d’air et aux ventilateurs »
, de « peindre en blanc les toitures, voire certains murs pour limiter l’échauffement du bâti »
et « végétaliser les cours d’école »
.
Pour rappel, le gouvernement avait lancé en 2023 un plan de rénovation énergétique du bâti scolaire, « EduRenov » qui devait permettre de financer 2 milliards d’euros de travaux d’ici à 2027 dans 10.000 établissements. Selon le collectif, seuls 3.000 établissements auraient été rénovés en deux ans – sur plus de 58.000 au total en France.