La fonte, à une température de 1 400 degrés, comme un jet de lumière liquide, coule longuement dans un moule, puis un autre, et ainsi de suite, sur la ligne numéro six de la fonderie Stellantis de Sept-Fons, à Dompierre-sur-Besbre (Allier).
Elle résume la transformation en cours dans cette usine centenaire. « Cette ligne était, et restera, le cœur poumon de la fonderie », glisse Stéphane Cluzel, responsable du service de fabrication et « amoureux de l’usine ». Il joue les guides entre les coursives et les lignes de production, où s’activent des hommes et des robots, le mugissement des machines l’obligeant à forcer la voix : « Hier, on ne fabriquait ici que des carters pour moteur thermique. Aujourd’hui, la ligne est polyvalente, moitié moteurs, moitié disques de freinage. Et si vous revenez en 2026, vous n’y verrez plus que des disques ! »
L’histoire de Sept-Fons est aux confins de toutes les questions qui assaillent l’industrie française aujourd’hui. Comment rester compétitif ? Comment affronter la transition écologique ? Comment rester en vie ? Comment rester en France ? Alors que l’on assiste, ces dernières années, à une hécatombe dans l’industrie automobile, Sept-Fons a jusqu’ici réussi à sauver sa peau.
Des alertes, il y en a eu plusieurs. Frédéric Fayard, 52 ans, responsable à l’usinage, se souvient qu’en 1994, déjà, « la question de la survie s’était posée ». « A l’époque, on était en concurrence avec la fonderie de l’usine de Sochaux [Doubs]. C’est elle qui a fermé. » A l’époque, au sein du groupe PSA, devenu Stellantis en 2021, Sept-Fons est spécialisée dans les carters en fonte pour voiture thermique. En 2000, elle fabrique 25 000 moteurs diesel par semaine.
Les « craintes » reviennent autour de 2010. Les salariés voient baisser les volumes : la demande s’érode, concurrencée par les carters en aluminium, plus légers. La fonte, un matériau très résistant mais très lourd, n’a plus le vent en poupe, alors qu’il faut alléger au maximum les véhicules pour réduire les émissions de carbone.
Une production d’avenir
« Quand on a vu que l’on perdait les moteurs diesel de 90 chevaux, qui passaient à l’alu, on a compris que l’on partait sur une trajectoire catastrophique », se remémore Philippe Diogo, secrétaire du comité social et économique (CSE) et délégué syndical central Force ouvrière à Stellantis. « Se mettre à l’alu, ce n’était pas possible, et d’autres le faisaient déjà dans le groupe. On s’est dit : “ça pue” », témoigne Denis Puzenat. Pas de course, débit de mitraillette, il est entré dans la fonderie en 1998, comme contremaître, avant de gravir tous les échelons pour être nommé, en 2022, directeur de cette usine où travaillait son père.
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