C’est une affaire qui concerne plusieurs communes du Loiret.
À Châtenoy, Sury-aux-Bois et Combreux, les habitants paient une eau du robinet qui ne serait plus potable depuis 2019.
Une équipe de TF1 s’est rendue sur place pour en savoir plus.
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Le 20H
Dans la petite commune de Châtenoy, au cœur du Loiret, les habitants ne peuvent plus consommer l’eau du robinet. Une situation qui dure depuis bientôt deux ans. Nicolas et Mélanie Hue doivent utiliser l’eau en bouteille que la mairie met à leur disposition. « C’est rationné, un litre d’eau par jour et par personne, et un demi-litre d’eau pour ma fille« , explique le père de famille dans la vidéo du JT de TF1 en tête de cet article.
Défectueuse, la station de traitement des eaux usées de la commune ne filtre pas correctement le manganèse, un métal présent naturellement dans les nappes phréatiques locales, mais qui peut être toxique en cas de forte concentration. « Parfois, l’eau est ultra-marron et sort par vagues. On nous dit qu’il n’y a pas de problème, qu’on peut la boire« , témoigne Nicolas Hue.
Le couple affirme avoir découvert que, même si les autorités locales ont soutenu qu’il n’y avait aucun problème, une alerte avait été émise dès 2020 par le laboratoire en charge du contrôle sanitaire du réseau. Dans un courrier adressé à la mairie, dont Nicolas et Mélanie se sont procuré une copie, l’organisme faisait alors état de concentrations en manganèse jusqu’à « dix fois au-dessus de la norme ». Les deux habitants disent n’en avoir été informé qu’en 2023.
Le couple a porté plainte pour défaut d’entretien et d’information contre le Syndicat intercommunal d’adduction d’eau potable (Siaep), qui alimente Châtenoy et deux autres communes concernées, Sury-aux-Bois et Combreux. « Vous avez encore des gens dans notre village, et les autres communes, qui ne sont même pas au courant et qui achètent des maisons, où l’eau n’est pas potable », dénoncent-ils.
On paye des choses qu’on ne devrait pas payer !
On paye des choses qu’on ne devrait pas payer !
Pascale Midou
Et le manganèse n’est pas le seul problème autour du réseau d’eau local de Châtenoy. Un gaz indétectable à l’œil nu, le chlorure de vinyle monomère (CVM), la rend aussi impropre à la consommation. Il est présent dans les canalisations d’eau potable en PVC installées dans les années 70. Ce gaz, classé cancérogène « certain » depuis 1987, peut provoquer des cancers du foie.
L’Agence régionale de santé Centre-Val de Loire avait émis une première alerte en 2014. Mais le gestionnaire du réseau d’eau local n’a pas procédé aux travaux d’assainissement. Pascale Midou, gérante du restaurant Le relais de Châtenoy, utilise uniquement de l’eau en bouteille. Faute de carafe d’eau, tous les clients se voient offrir une bouteille. C’est la patronne qui paye. Pour elle, c’est un peu la double peine. Bien qu’elle n’utilise plus l’eau du robinet, la restauratrice continue de payer les frais de traitement et d’assainissement.
Un recours devant la justice
La facture s’élève à « plusieurs centaines d’euros par mois« . « On paye des choses qu’on ne devrait pas payer ! », dénonce-t-elle. Même pour la cuisine, Pascale Midou n’utilise plus l’eau du robinet. Un principe de précaution. Pour faire entendre leur colère, alors que les travaux pour remplacer les canalisations tardent, les habitants se sont regroupés au sein d’un collectif. Certains ont fini par installer à leurs frais un système pour filtrer l’eau avant qu’elle ne sorte des robinets. « Normalement, un filtre tient des mois sans être changé. Mais, ici, c’est au bout de 15 jours…« , déplore Michel Maufras, un autre habitant. Chaque filtre lui coûte autour de 15 euros.
Face à ces contaminations, l’ARS du Centre-Loire effectue des analyses plusieurs fois par mois. À l’heure actuelle, le plus inquiétant reste le taux de manganèse : lors d’un contrôle sur deux les concentrations dépassent le seuil de dangerosité. Les habitants, eux, ont récemment déposé un recours devant la justice, une première en France. Il vise à faire reconnaître la responsabilité de l’État, les négligences fautives du ministère de la Santé, ainsi que le préjudice de ces usagers qui se sentent abandonnés.
Des actions ont aussi été menées contre les gestionnaires d’eau, notamment pour un manque d’analyses. Pour Me Gabrièle Gien, leur avocate, cette situation est loin d’être isolée. « En réalité, c’est une problématique qui touche énormément de communes partout en France, dans des départements ruraux, des petites communes situées en bout de réseau », souligne-t-elle. La justice doit trancher mi-juin pour condamner ou non le gestionnaire d’eau.