La surprise stratégique provoquée par les frappes israéliennes contre la République islamique d’Iran a confronté les dirigeants du régime à un dilemme majeur. Mobiliser massivement la population dans le cadre d’un conflit asymétrique s’avère particulièrement difficile dans un contexte d’enfermement idéologique croissant, marqué depuis 2009 et le Mouvement vert par un clivage de plus en plus profond entre la sphère politique et la majorité de la société iranienne. En 2024, à la suite des deux opérations militaires israéliennes baptisées « Promesse véridique », menées en avril puis en octobre, le régime a tenté de susciter une unité nationale. Cette initiative relevait cependant davantage d’un effort visant à renforcer la cohésion interne du système – le nezam – qu’à instaurer un réel consensus au sein de la population.
Ce choc militaire externe a d’ores et déjà confirmé la prédominance des factions les plus radicales au sein de la République islamique, lesquelles oscillent, depuis 1979, entre la poursuite d’ambitions idéologiques souvent contraires aux intérêts nationaux de l’Iran et un pragmatisme réactif visant à assurer la survie du régime lorsque ses visées révolutionnaires le conduisent au bord du précipice. Le défi existentiel auquel le régime est aujourd’hui confronté est tel que le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, âgé de 86 ans, semble désormais considérer que la pérennité de son héritage idéologique repose essentiellement sur la résilience de l’appareil sécuritaire interne et sur les forces militaires des gardiens de la révolution islamique (les pasdarans).
Paradoxalement, si la crise de légitimité et d’autorité du régime vis-à-vis de la majorité de la population s’expliquait en grande partie par les choix budgétaires du Guide – au service de priorités idéologiques telles que la propagande, l’endoctrinement ou encore l’exportation régionale des « idéaux » de la révolution islamique –, ainsi que par l’hypertrophie d’un appareil sécuritaire composé de plus d’une dizaine de services de renseignement et par le développement de programmes militaires sophistiqués (drones, missiles balistiques), la menace la plus pressante à sa survie ne réside plus tant dans une contestation interne, désormais contenue par une répression féroce, notamment en milieu carcéral, que dans sa capacité à faire face à la pression militaire israélienne, de plus en plus ouvertement soutenue par les Etats-Unis.
Il vous reste 58.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.