L’Ecole des beaux-arts de Paris coule mais les matelots refusent de quitter le navire. Mieux, depuis un conseil d’administration houleux qui s’est tenu le 4 décembre, les étudiants des Beaux-Arts ont décidé d’occuper jour et nuit leurs locaux vétustes. Le site, à l’angle de la rue Bonaparte et du quai Malaquais, est utilisé conjointement par l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) et par l’Ecole nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais (ENSAPM).
La première est dirigée par Alexia Fabre, l’ancienne patronne du MAC Val (musée d’art contemporain de Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne), et accueille environ 600 étudiants. La seconde – environ 900 élèves – est dirigée par Jean-Baptiste de Froment. Agrégé de philosophie, membre du Conseil d’Etat, il fut un conseiller de Nicolas Sarkozy, mais aussi de deux ministres de la culture, Franck Riester, puis Roselyne Bachelot. Les deux écoles et les bâtiments qui les abritent sont sous la responsabilité de l’Etat, qui, même si l’ensemble est classé monument historique, ne les a guère entretenus.
Les visiter aujourd’hui mettrait n’importe quelle commission de sécurité sur des charbons ardents. Malgré des interventions régulières mais cosmétiques – qui ont tout de même coûté, ces dix dernières années, près de 30 millions d’euros –, l’imposant palais des Etudes (8 000 mètres carrés) est dans un triste état. Selon un bon connaisseur du dossier, « on n’est pas encore dans l’arrêté de péril, mais on s’en approche ».
Ateliers évacués
Il faut dire que les derniers travaux d’importance datent de 1946 : trois étages d’ateliers conçus par l’architecte Auguste Perret (1874-1954). Ceux-là ne posent pas de problème, mais le palais des Etudes et le bâtiment des Loges qui le jouxte, construits entre 1819 et 1839, avec une cour centrale qui fut vitrée en 1863, sont mal en point. Des désordres sont apparus. Certains ont été causés, aux étages supérieurs, par un système de chauffage mal adapté et trop pesant qui a défoncé ses supports. A l’automne 2022, une corniche de près de 700 kilogrammes a commencé à se décrocher et a été stabilisée à temps, mais en février 2023, un morceau de plafond est tombé, et les salles hautes sont désormais condamnées par mesure de sécurité ; des ateliers ont également dû être évacués.
Pis, les études diligentées ont révélé que le bâtiment, érigé comme le Grand Palais sur un terrain sablonneux, devenait instable : il a dû être étayé de l’intérieur sur toute sa hauteur. La cour d’honneur, qui le sépare de la rue Bonaparte, est également ondoyante… Les coûts de réhabilitation sont estimés à 100 millions d’euros, mais la facture finale pourrait être bien plus élevée. Sans compter le manque à gagner : qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore, le financement de l’école repose pour partie sur le mécénat, par le biais d’opérations de prestige qui se déroulaient précisément dans les locaux menacés et qui devront être fermés pour travaux durant deux à trois ans. La bibliothèque, les collections (450 000 œuvres), les ateliers de gravure et de sérigraphie devront être relogés provisoirement.
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