Cinq romans, quatre essais, deux récits, un recueil de textes et un d’entretiens… Voici les brèves critiques de treize ouvrages notables en cette quarante-cinquième semaine de l’année.
Recueil. « Nouvelles des cimes », de Dino Buzzati
Cap sur le K2 ou, plus modestement, sur les Grandes Dolomites. Avec pour guide le merveilleux Dino Buzzati (1906-1972), le lecteur s’essoufflera sur les éboulis, suera sang et eau au milieu des moraines, creusera au piolet des marches dans la glace vive ou s’arrachera la peau des mains sur des arêtes rugueuses… mais ne dévissera pas. En effet, on ne lâche pas ces Nouvelles des cimes. Journaliste, peintre, écrivain et maître du réalisme fantastique, l’auteur du Désert des Tartares (éd. Robert Laffont, 1949) était aussi un montagnard chevronné, comme en témoigne cette anthologie d’articles publiés entre les années 1920 et 1950 dans le Corriere della Sera et réunis en volume pour la première fois.
Buzzati y parle de sommets, de glaciers et d’aiguilles. Mais aussi d’hommes devenus des légendes de l’alpinisme – comme Antonio Berti, Tita Piaz ou Walter Bonatti –, ces valeureux « conquérants de l’inutile » (Lionel Terray) capables d’aller « plus haut que les corbeaux, là ou personne ne pourrait venir les chercher ». Et, s’il évoque des avalanches tragiques ou des chutes vertigineuses, Buzzati consacre aussi des pages savoureusement inattendues aux « miraculés » des grandes expéditions (« Ils devaient tous mourir mais la montagne en a décidé autrement »). A ces articles inédits s’ajoute un journal tenu à l’été 1930 et servi, comme le reste du volume, par une plume passionnée, d’une grande alacrité et d’une grande précision.
Mais comme il est cruel de lire tout cela cent ans plus tard ! A l’heure où « le climat devenu fou fait fondre les glaciers et provoque l’éboulement des roches », et où l’Everest est « transformé en dépôt d’ordures par les innombrables expéditions commerciales » qui s’y attaquent. C’est à cette réalité que nous rappelle opportunément l’écrivain voyageur Paolo Rumiz dans son élégante préface. Comme pour nous sommer de nous ressaisir au plus vite, si l’on ne veut pas voir les chères cimes de Buzzati se muer demain en désert des barbares. Fl. N.
« Nouvelles des cimes » (I fuorilegge della montagna. Uomini, cime, imprese), de Dino Buzzati, traduit de l’italien par Delphine Gachet, Arthaud, 320 p., 22 €, numérique 15 €.
Roman. « Les Femmes de nos vies », de Canesi & Rahmani
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