Aux animaux, la science reconnaissante ! Tous les biologistes le savent, c’est en décryptant les mécanismes en vigueur chez nos cousins, plus ou moins éloignés, que l’on comprend les fondements de la biologie. Il n’est qu’à regarder la liste des Prix Nobel pour s’en convaincre : nombre d’entre eux ont assis leurs découvertes sur des études animales. Pas n’importe quels animaux, toutefois. Dans les laboratoires, quelques espèces se taillent la part du lion. Le ver C. elegans, la mouche drosophile, la souris ou, plus récemment, le poisson-zèbre concentrent l’essentiel des recherches. La raison en est simple : tout chercheur s’appuie sur les travaux précédemment effectués, ce qui n’invite pas à la diversité. De plus, à mesure que la science se complexifie, les outils à concevoir, particulièrement en biologie moléculaire, sont de plus en plus spécifiques. Sortir des « animaux modèles » apparaît donc difficile. « Pourtant, une fois que vous acceptez d’y accorder le temps et l’énergie nécessaires, faire des découvertes devient facile », assure Michel Milinkovitch, professeur de génétique et évolution à l’université de Genève.
Depuis de longues années, lui se penche sur d’autres bestioles. Serpents, lézards, hérissons… Tout juste ajoute-t-il un peu de poulet au menu de son laboratoire. Dans la revue Nature du 12 décembre, il publie un article saisissant consacré au crocodile du Nil. En étudiant la croissance de ses embryons, il est parvenu à montrer que les écailles sur sa gueule ne provenaient pas d’un processus génétique classique de spécialisation cellulaire, comme les plumes des oiseaux, les poils des rongeurs ou la plupart des écailles de reptiles, mais de simples contraintes physiques, dont il a mis en évidence les mécanismes.
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