Dans une étude de la London School of Economics, trois chercheurs, Cevat G. Aksoy, Barry Eichengreen et Orkun Saka montrent, sur la base d’enquêtes Gallup de 2006 à 2018, que les épidémies laissent une « cicatrice politique ». En analysant les réponses de 750 000 personnes dans 142 pays, ils ont établi que les citoyens qui ont vécu des épidémies pendant leur jeunesse affichaient une confiance moindre dans leurs représentants et dans les élections. Une perte de confiance durable. Pour Le Monde, Orkun Saka analyse les implications de ces résultats pour le Covid-19.
Chez les 18-29 ans, Donald Trump a été distancé de 18 points par Hillary Clinton en 2016, de 24 points par Joe Biden en 2020, mais de seulement 4 points par Kamala Harris en 2024. Faut-il attribuer à une « génération Covid » ce déplacement à droite ?
Nous n’avons pas testé directement si le Covid a accru le soutien à Donald Trump. Ce que nous montrons, en nous appuyant sur des données très larges, c’est que les épidémies entraînent une diminution de la confiance des jeunes envers leurs systèmes politiques. Or, la recherche en sciences politiques a montré qu’il y avait un lien entre la réduction de la confiance et la montée des mouvements antisystème. Sur la base de notre étude (dont la première version remonte à 2021), il était donc possible de prédire ce glissement vers les mouvements populistes de droite dans le monde.
Nous avons aussi examiné les comportements politiques. Or, il semble que les jeunes qui vivent une épidémie s’éloignent des institutions formelles démocratiques, comme les élections. En revanche, ils semblent participer davantage à des grèves, des boycotts.
Pendant le Covid, les gouvernements ont apporté des réponses fortes. La communauté scientifique a mis au point un vaccin très rapidement. Cette mobilisation n’aurait-elle pas dû augmenter la confiance des jeunes ?
Certes, nous avons réussi à traverser cette épreuve. Mais sur le moment, il y a eu des controverses sur la communication politique et scientifique. Aux Etats-Unis, le discours sur l’utilité du masque a changé du jour au lendemain [entre février et avril 2020]. Ces erreurs ont affecté la confiance des jeunes envers les autorités. Quand ils ont compris que leurs responsables pouvaient leur mentir ou déformer la vérité, cela a été une expérience très marquante.
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