Dévalorisation, sentiment de ne pas être à la hauteur, manque de confiance en soi… ces symptômes peuvent cacher un syndrome de l’imposteur.
Non répertorié comme un trouble psychique, ce mal se révèle très prégnant dans le milieu professionnel et s’exprime parfois sur le plan sentimental.
Le syndrome de l’imposteur peut toucher tout le monde, mais il a tendance à concerner davantage les femmes.
Suivez la couverture complète
Avec Elles
Michelle Obama, Emma Watson, Alicia Keys, Billie Eilish… Peut-être êtes-vous comme ces personnalités qui souffrent du syndrome de l’imposteur. Ce type de personnes attribue leurs succès à la chance ou à des facteurs externes plutôt qu’à leur talent. À cause d’un doute sur leurs compétences, elles préfèrent refuser une promotion, une invitation ou encore un challenge.
À l’origine, ce concept, théorisé en 1978 par les psychologues américaines Pauline Rose Clance et Suzanne Ament Imes concernait uniquement les femmes universitaires très performantes. Même si n’importe qui peut être un jour confronté au sentiment d’illégitimité dans sa vie, on continue d’associer ce mal à la gent féminine.
Syndrome de l’imposteur : un mal féminin ?
Il n’existe aucune raison pour qu’un homme n’éprouve pas un sentiment d’infériorité dans sa vie professionnelle et/ou sentimentale. D’ailleurs, les travaux menés sur le sujet ne permettent pas d’attribuer ce mal à un genre en particulier. Et aucun chiffre officiel ne définit le syndrome de l’imposteur comme une souffrance typiquement féminine.
Réalisé en 2021 pour Capital, le sondage YouGov révèle que 62 % des managers français se disent victimes du syndrome de l’imposteur. Cette enquête met en lumière un phénomène, mais ne l’associe pas spécifiquement aux femmes. Une étude britannique de l’agence OnePoll réalisée en 2023 sur plus de 4000 adultes révèle que 62 % des femmes n’ont jamais eu confiance en elles dans tous les milieux (contre 54 % des hommes). On constate une différence, mais pas significative.
Pour écrire leur ouvrage « Le syndrome d’imposture », Élisabeth Cadoche, journaliste et conférencière, et Anne de Montarlot, psychothérapeute, ont interviewé une centaine de femmes sur le sujet en plus de s’être plongées dans des dizaines de sondages et enquêtes. Elles en arrivent à la conclusion que sans être genré, ce syndrome touche davantage la gent féminine.
Mais pourquoi les femmes se considèrent-elles illégitimes ?
Pour les deux expertes, la croyance éducative renforce ce sentiment d’imposture chez de nombreuses femmes. La norme culturelle des genres pousse les petites filles à s’occuper d’autrui et à rester dans l’ombre. Plus tard, elles développent une difficulté pour s’affirmer et elles se contentent de la deuxième place.
Un manque de confiance en soi explique une prédominance de ce syndrome de l’imposture chez les femmes. Une enquête internationale publiée en 2022 dans Science Advances a été menée par des chercheurs du CNRS auprès de 500 000 élèves de quinze ans dans 72 pays. Il en ressort qu’à résultats égaux, les filles remettent souvent en cause leur manque de talent en cas d’échec scolaire pendant que les garçons attribuent leurs mauvaises notes à des facteurs externes comme la malchance.
La responsabilité de l’éducation dans le sentiment d’imposture
Pour Élisabeth Cadoche et Anne de Montarlot, ce syndrome agit comme un piège mental qui commence dès l’enfance avec l’éducation. Des parents qui projettent des attentes trop élevées, une grande distance émotionnelle, un sentiment d’insécurité, de nombreuses critiques ou l’absence de félicitations peuvent avoir des répercussions. L’enfant peut mener sa vie à travers ce prisme : il se sabote ou considère qu’il ne fait jamais ce qu’il faut.
Le psychologue clinicien Kevin Chassangre, auteur de l’ouvrage « Cessez de vous déprécier ! Se libérer du syndrome de l’imposteur » enfonce le clou. Pour lui, c’est surtout l’éducation qui joue un rôle important, au-delà du fait d’être une femme ou un homme. Une valorisation excessive, une critique dure ou un amour conditionné au succès peut entraîner ce syndrome.