LA LISTE DE LA MATINALE
Cette semaine dans les salles, plusieurs personnages se promènent aux confins de l’étrange. Comme le jeune escort de Cent mille milliards, amené à passer seul les fêtes de Noël dans l’empire du faux de Monaco, ville ouverte sur le vide. Ou encore Limonov, revu et corrigé par Kirill Serebrennikov dans Limonov. La ballade, spécimen de Russe caméléon parcourant le siècle comme une rock star aux mille identités. Enfin, la sorcière verte de Wicked, qui remonte aux sources du Magicien d’Oz dans un toboggan de couleurs et d’énergie pop.
A ne pas manquer
« Cent mille milliards » : conte monégasque
Dans Cent mille milliards, Afine, aux traits fins (Zakaria Bouti, une révélation), partage une maison avec trois copines près de Monaco. Les quatre escorts vaquent à leurs rendez-vous avec des clients rencontrés sur des applis. Quand les fêtes de fin d’année approchent, les filles rentrent chez elles et Afine, qui n’a pas de parents, se retrouve seul à fumer un joint. Sans transition, on retrouve Afine dans un luxueux appartement dans les tons beiges. Une trentenaire d’origine serbe (Mina Gajovic) le paie pour passer Noël avec elle. Elle fait office de baby-sitter et garde une jeune ado, Julia (Victoire Song), dont les parents richissimes sont absents : ils sont occupés à construire une île au large de la Principauté.
Plutôt que de filmer la Principauté comme une caricature, le cinéaste encapsule Monaco sous le filtre du conte et du grain 16 millimètres. Sous le jeu des lumières, les palmiers s’électrisent de reflets bleus. Afine trouve son île, un cocon d’eau douce, un semblant de famille. Cent mille milliards travaille la solitude et son alter ego, telle Julia, dans sa robe bleu nuit, se dédoublant dans le miroir de sa chambre. Cl. F.
Film français de Virgil Vernier. Avec Zakaria Bouti, Mina Gajovic, Victoire Song (1 h 17).
« La Vie des hommes infâmes » : surveiller et punir
La Vie des hommes infâmes, projet d’écriture de Michel Foucault (1926-1984) dans les années 1970, est le fruit d’investigation dans des archives d’internement de la Bastille, datant du XVIIIe siècle. C’est aussi le titre du film de Marianne Pistone et Gilles Deroo, épure lumineuse qui donne corps, dans une succession de chapitres, à l’un de ces êtres dits « obscurs ». Les réalisateurs se sont intéressés à l’ordonnance d’arrestation visant Mathurin Milan, qu’ils ont choisi comme personnage. De lui on apprend qu’il fut « mis à l’hôpital de Charenton, le 31 août 1707 » : « Sa folie a toujours été de se cacher à sa famille. »
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