L’historien Tal Bruttmann est notamment l’auteur du livre de référence Auschwitz, qui vient d’être réédité (La Découverte, « Repères », 124 pages, 11 euros, numérique 8,50 euros), et d’Un album d’Auschwitz. Comment les nazis ont photographié leurs crimes (Seuil, 2023), écrit avec les historiens allemands Stefan Hördler et Christoph Kreutzmüller. Une exposition inspirée de ce livre vient de s’ouvrir au Mémorial de la Shoah, à Paris, dont il est, avec Christoph Kreutzmüller, le commissaire scientifique. Il revient, pour Le Monde, sur ce que les Alliés ont découvert le 27 janvier 1945 en arrivant à Auschwitz, et sur les images qui, depuis, incarnent la mémoire des camps nazis et de la Shoah.
Les historiens ne parlent pas de « libération » des camps par les Alliés, entre janvier et mai 1945, mais plutôt de « découverte » ou d’« ouverture ». Pour quelle raison ?
Tout simplement parce que « libération » laisse entendre que les camps ont été des objectifs tactiques ou stratégiques pour les armées alliées, alors que ça n’a jamais été le cas. On libère un lieu en venant combattre, par exemple, les troupes qui l’assiègent ou qui l’occupent. Ce n’est pas du tout ce qui se passe avec les camps. Le seul objectif des Alliés était de vaincre le IIIe Reich. Mais il se trouve qu’ils sont tombés sur des camps au gré de leur avancée, notamment vers Berlin.
Auschwitz est emblématique à cet égard. L’Armée rouge a pris Cracovie quelques jours plus tôt, et la route qui mène vers l’ouest passe par Auschwitz. Quand, le 27 janvier 1945, elle atteint successivement Monowitz (Auschwitz III), Auschwitz I et Birkenau (Auschwitz II), quelques SS sont encore là, ce qui provoque des escarmouches. Des prisonniers s’y trouvent aussi mais, la plupart ayant été évacués durant les dernières semaines, ils sont peu nombreux au regard de l’immensité du complexe : environ 7 000, disséminés dans la quarantaine de camps qui composent Auschwitz.
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