Dès le lendemain de la condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire dans l’affaire des assistants parlementaires du Front national (FN) au Parlement européen, le Rassemblement national (RN) s’est déchaîné contre la « tyrannie » des juges. « Le pays est en train de vaciller sur ses principes, sur ses valeurs, a affirmé la cheffe de file du parti d’extrême droite, le 1er avril. Tous ceux qui n’ont que l’Etat de droit à la bouche sont généralement les premiers à chercher à violer l’Etat de droit. »
Les magistrats se sont-ils abusivement « ingérés dans la façon dont les élus conduisent leur mandat », comme le prétend Mme Le Pen ? Une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire est-elle, en elle-même, un « scandale démocratique » ? Comment, dans une démocratie, définir les contours respectifs de la légitimité des élus et de celle des magistrats ?
Professeur émérite au Collège de France, l’historien et sociologue Pierre Rosanvallon travaille depuis de longues années sur l’histoire intellectuelle de la démocratie française, à laquelle il a consacré une trilogie publiée chez Gallimard : Le Sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France (1992), Le Peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France (1998) et La Démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France (2000).
Le fondateur du cercle de réflexion La République des idées et de la revue numérique La Vie des idées a publié, de 2006 à 2011, une deuxième trilogie consacrée, cette fois, aux mutations de la démocratie contemporaine, puis, en 2020, un ouvrage sur l’histoire, la théorie et la critique du populisme : Le Siècle du populisme (Seuil). Son dernier livre, Les Institutions invisibles (Seuil, 2024) analyse les trois « institutions invisibles » que sont l’autorité, la confiance et la légitimité.
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