Il a fallu moins de deux heures, vendredi 16 mai, pour dresser le constat de l’échec des premières négociations directes entre Ukrainiens et Russes, à Istanbul, depuis celles, infructueuses, d’avril 2022. Cet échec – malgré un accord sur l’échange de 2 000 prisonniers – était attendu.
Ces négociations ne relevaient en effet que d’une tactique d’évitement. Vladimir Poutine en avait émis l’idée pour faire diversion, après une proposition de cessez-le-feu de trente jours avancée lors d’un sommet, à Kiev, rassemblant les principaux responsables européens autour de Volodymyr Zelensky. Sous la pression de Donald Trump, ce dernier avait pris au mot le maître du Kremlin, le mettant au défi de le rencontrer en Turquie. Le président des Etats-Unis n’avait pas exclu de profiter de sa tournée dans la péninsule Arabique, au même moment, pour rejoindre les deux présidents si d’aventure un tel sommet se matérialisait.
En refusant finalement de se rendre en Turquie et en décidant d’envoyer à la place une délégation de second rang, Vladimir Poutine a pourtant fait œuvre utile. Il a prouvé qu’il n’accordait aucun intérêt à des discussions visant à mettre un terme à la guerre qu’il a lui-même déclenchée et dans laquelle il s’estime, non sans raison, en position de force. C’est précisément ce que le président ukrainien avait expliqué dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, le 28 février, lors d’une réception orageuse au cours de laquelle il avait été humilié publiquement par son homologue américain et surtout par le vice-président, J. D. Vance.
En bonne logique, Donald Trump devrait être conduit à tirer les conséquences de l’échec d’Istanbul et des semaines qui l’ont précédé. S’aligner sans aucune réserve sur les positions de l’agresseur aux dépens de l’agressé n’a produit jusqu’à présent aucun résultat. Confier ce dossier complexe au parfait néophyte qu’est son émissaire, le richissime promoteur immobilier Steve Witkoff, a également montré ses limites. Sur son réseau social, le président de la première puissance militaire mondiale s’est même exposé au ridicule, le 24 avril, en implorant vainement le maître du Kremlin de mettre fin aux pilonnages non discriminés qui continuent de tuer des dizaines de civils ukrainiens.
Nouvelles sanctions
Pour tirer la Maison Blanche de cet embarras, le sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham défend la nécessité de nouvelles sanctions « dévastatrices » visant à priver la Russie de la rente pétrolière qui permet de financer cette guerre, si le Kremlin continue de repousser la perspective de négociations de paix. Il ne s’agit pas du seul moyen dont dispose le président des Etats-Unis, qui pourrait compliquer la position de la Russie sur le terrain en reprenant les livraisons d’armes à l’Ukraine. L’Union européenne, engagée dans cet effort à la mesure de ses moyens limités, vise, elle, la « flotte fantôme » que la Russie utilise pour contourner les sanctions qui frappent une partie de ses exportations de pétrole.
Rien ne garantit pourtant un tel revirement. Il contraindrait la Maison Blanche à reconnaître que sa vision qui fait de l’Ukraine et de l’Union européenne, et non de la Russie, la source de tous les maux est erronée. M. Trump a affirmé, jeudi 15 mai, qu’« il ne se passera[it] rien » tant que Vladimir Poutine et lui-même ne se rencontreraient pas, mais il s’est bien gardé de dire quel était son plan pour mettre un terme aux combats si un tel sommet russo-américain avait lieu.