La France défend-elle bien ses artistes ? Ne nous pinçons pas le nez, soyons plus direct : les musées, théâtres, salles de concerts ou festivals, quand ils sont financés par de l’argent public, doivent-ils présenter en priorité des créateurs français ? La question, longtemps impensée, taboue ou jugée méprisable, a surgi au cœur de l’été dans un rapport du ministère de la culture. Elle prend de la vigueur à mesure que la France est en manque de gouvernance comme d’argent.
Le sujet est mis sur la table par Martin Bethenod, ancien directeur de la Foire internationale d’art contemporain, dans un document intitulé « Le renforcement de la scène artistique française. Panorama et propositions », que lui avait commandé Rachida Dati.
Martin Bethenod ose employer pour les œuvres d’art le gros mot de « quota » – « Il ne faut pas en avoir peur », écrit-il. Il propose que celles qui sont achetées chaque année par le Centre national des arts plastiques soient 100 % made in France (la moitié actuellement) et que le Centre Pompidou présente 40 % ou 60 % d’expositions d’artistes de l’Hexagone – pour l’instant, le musée fait ce qu’il veut.
Martin Bethenod étend à l’art ce qui existe ailleurs : les chaînes de télévision et les plateformes doivent diffuser au moins 40 % de films et téléfilms français, et les radios, au minimum 40 % de chansons d’expression française, dont la moitié de nouveautés. Le rapporteur prend néanmoins des gants, écrivant qu’il faut soutenir en priorité la « scène française », ce qui englobe les artistes étrangers vivant dans l’Hexagone. Il martèle ce principe afin d’écarter « toute suspicion idéologique ».
Précaution de langage
Pour comprendre la précaution de langage, il faut revenir aux années 1980 et au ministre de la culture Jack Lang. La France est alors la terre d’accueil de l’art mondial. L’argent est là, une dynamique culturelle aussi, dont tout le monde profite sans se soucier du passeport des bénéficiaires de subventions. Pour ne prendre que l’architecture, Jean Nouvel, Christian de Portzamparc ou Dominique Perrault voient leur carrière propulsée, tandis que des étrangers construisent la Pyramide du Louvre, l’Opéra Bastille ou l’arche de la Défense.
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