A l’aide de son canif à bout rond, Jean-Christophe Hauguel prélève une petite touffe verte sur l’écorce d’un sureau. « On peut trouver des choses extraordinaires sur ce type d’arbustes », s’extasie cet amoureux des mousses, tout en dégainant sa miniloupe à ampoules LED pour examiner au mieux sa prise, logée dans le creux de sa main. Autour, une dizaine de naturalistes s’affairent, comme lui, déambulant entre les arbres du bois de Rompval, à Mers-les-Bains (Somme), tantôt accroupis, trifouillant le sol, tantôt les yeux collés aux troncs. Spécialistes ou amateurs, ils se sont réunis dans un but commun : recenser les espèces de bryophytes – un groupe de plantes qui rassemble mousses, hépatiques et anthocérotes – peuplant ce site préservé des falaises picardes, le dernier bois littoral naturel du département de la Somme, acquis il y a une trentaine d’années par le Conservatoire du littoral.
« Aucun inventaire bryologique n’y a encore été mené », glisse M. Hauguel à ses acolytes, pour attiser leur curiosité. Les informations collectées lui permettront d’enrichir les bases de données du conservatoire botanique national (CBN) de Bailleul (Nord), dont il est le directeur adjoint, et ainsi améliorer les connaissances sur les espèces présentes dans la région.
La bryologie reste pour l’heure une discipline de niche : en France, on compte à peine une quarantaine de spécialistes. « Il y a encore quinze ans, dans les conservatoires botaniques, peu d’importance était accordée à l’étude des mousses », explique Jaoua Celle, bryologue au CBN du Massif central. Au sein du groupe de travail sur les bryophytes du réseau des CBN, qu’il coordonne avec Johan Gourvil, chargé de mission flore à l’Office français de la biodiversité (OFB), le souhait a progressivement émergé de « donner plus de visibilité à ces petites choses qu’on étudie ». La publication du premier atlas de répartition à l’échelle départementale des 1 385 espèces de bryophytes recensées en France métropolitaine, prévue fin novembre, va concrétiser cette volonté.
Ce document collige « des centaines de milliers de données, dont certaines sont issues d’ouvrages et d’inventaires de terrain qui remontent à plus d’un siècle, fait valoir Jaoua Celle. Il y a eu un gros travail des conservatoires botaniques, ne serait-ce que pour homogénéiser les données et les valider… ce qui nécessite parfois de réexaminer des parts d’herbiers ». L’objectif poursuivi est de « valoriser tout ce travail mené de longue date et d’avoir une cartographie synthétique de l’état des connaissances », appuie Johan Gourvil.
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