L’assassinat du jeune Mehdi Kessaci est effroyable, et la détermination de son frère Amine à ne pas se taire force l’admiration. La société dans son ensemble se doit de prendre conscience de la gravité du problème et d’être à ses côtés. Parce que la violence du narcotrafic n’est que la pointe émergée de l’iceberg, nous sommes toutes et tous concernés. Les trafiquants exploitent la misère sociale des quartiers abandonnés et l’égarement de jeunes qui se sentent marginalisés et auxquels ils font miroiter une ascension inespérée. Ils prospèrent sur la dépendance des consommateurs, qui ne se limitent pas aux « bourgeois des centres-villes », comme l’a suggéré le président, Emmanuel Macron, et sur l’incompréhension d’une grande partie de la classe politique. La surenchère permanente du tout-répressif est symptomatique de l’incapacité à s’attaquer aux causes multiples, notamment d’ordre social, de ce problème systémique et à ses conséquences sanitaires et économiques.
Dans les médias ces derniers jours, on assimile de plus en plus fréquemment les organisations françaises qui se livrent au trafic de stupéfiants à des mafias, en énonçant des caractéristiques généralement stéréotypées et erronées, comme le modèle de commandement pyramidal. Les parallèles entre Marseille et le Palerme des années 1980 foisonnent. La gravité des récents événements impose effectivement que l’on essaie de définir le phénomène auquel on fait face, mais elle impose surtout de proposer une réponse collective qui soit à la hauteur de l’enjeu. C’est bien là, autant que pour penser l’évolution de notre modèle législatif et judiciaire, que l’exemple italien doit nous inspirer.
L’important n’est pas tant d’établir la nature mafieuse – ou pas – de ces organisations criminelles, mais d’analyser la circulation des méthodes mafieuses. L’absence, en France, d’une législation qui définisse juridiquement l’association mafieuse comme le fait l’Italie rend stérile l’utilisation du terme mafia. Toutefois, l’utilisation de la violence, la diversification des activités criminelles qui excèdent le seul trafic de stupéfiants, les investissements dans l’économie légale, le pouvoir de corruption de ces organisations et la capacité des têtes de réseaux à gérer leurs trafics et à commanditer des meurtres de l’étranger – ce qui serait impensable pour une mafia traditionnelle tant l’autorité du chef se mesure à son ancrage territorial – sont bien évidemment les signaux inquiétants d’une montée en puissance dont il faut prendre la mesure.
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