Du pont du Sophie-Germain, le navire câblier d’Orange Marine amarré dans le port de La Seyne-sur-Mer (Var), on distingue aisément, de l’autre côté de la rade, les imposants bâtiments de guerre de l’arsenal de Toulon. Ce voisinage rappelle la filiation qui unit communication sous-marine et armée.
Après la création, par Napoléon III, en 1863, sur la base navale varoise, du service des câbles sous-marins électro-sémaphoriques, La Seyne-sur-Mer accueille, en 1881, la première usine française de câbles sous-marins, dotée d’un quai et d’un entrepôt de stockage, encore utilisés aujourd’hui par Orange Marine. Il fallait alors répondre à l’essor des communications télégraphiques, en particulier vers les colonies, et s’affranchir de la dépendance aux Anglais, hégémoniques dans la pose et la maintenance de câbles sous-marins.
Un siècle et demi plus tard, c’est la France qui domine le secteur, devant les Américains, les Britanniques et les Japonais. Entre les six navires d’Orange Marine, société détenue à 100 % par l’opérateur télécoms depuis 1999, et les sept de Louis Dreyfus Armateurs affrétés par Alcatel Submarine Networks, ancienne filiale de Nokia nationalisée par l’Etat en novembre 2024, le pavillon français représente environ un tiers de la flotte mondiale de câbliers, ce qui permet d’intervenir dans quasi toutes les mers du monde.
Ancres à la dérive
Créée dans un souci de souveraineté – les navires câbliers ont ainsi le privilège rare de disposer de leur propre pavillon bleu-blanc-rouge, orné de trois éclairs, d’une étoile et d’une ancre marine dorés –, cette force de projection est devenue capitale pour le bon fonctionnement du réseau Internet : les 500 câbles sous-marins de fibre optique qui peuplent les mers et les océans font transiter 99 % du trafic mondial de données numériques.
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